Des Bibles en Ethiopie

Dans l’un de ses livres John Ortberg a écrit ces lignes : « Je devais me rendre pour deux semaines en Ethiopie, accompagné d’un ami, pour y prêcher en divers endroits. Ce pays était à l’époque dirigé par un gouvernement marxiste et plusieurs chefs d’églises, déclarées illégales par le pouvoir en place, nous demandèrent d’importer, en contrebande, une cinquantaine de Bibles d’étude. Je n’étais pas très chaud à l’idée de les importer illégalement, mais nous acceptâmes de tenter l’aventure.

 

Malheureusement, comme je l’avais prévu, les agents des douanes découvrirent ces Bibles et les confisquèrent. Quelques jours plus tard le directeur de la douane demanda à nous rencontrer, à condition que soyions accompagnés des principaux chefs des églises secrètes du pays. Nous étions pleins d’appréhension en nous rendant à son bureau, car la majorité des leaders chrétiens en Ethiopie avait déjà passé de longues années en prison, au point d’utiliser l’euphémisme « aller à l’université » pour décrire leur séjour derrière les barreaux. C’était, à leurs yeux l’université où Dieu les envoyait lorsqu’Il voulait affermir leur foi !

 

Comme Joseph, longtemps avant eux, certains avaient même été chargés par leurs gardes de surveiller la prison lorsque ces derniers souhaitaient s’absenter quelques heures ou quelques jours. Dans ces cas les gardes vidaient leurs fusils automatiques de leur chargeur et les remettaient aux chrétiens avec la mission de surveiller leurs collègues prisonniers !

 

Imaginez notre surprise lorsque le chef de la douane nous déclara : « Ces Bibles ont été importées illégalement. Néanmoins vous pouvez les récupérer à deux conditions : un, vous devez en garder le secret et deux, je tiens à en garder une pour moi-même. »

 

Et John Ortberg d’ajouter : « Ce jour-là mon Dieu est devenu encore un peu plus grand et redoutable ! »

 

Chaque fois que vous ferez un pas de foi, votre Dieu vous apparaîtra un peu plus grand qu’avant et vous découvrirez le vrai sens des paroles de Paul : « A Dieu qui a le pouvoir de faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou même imaginons, par la puissance qui agit en nous… » (Ephésiens 3.20).

L’autobus de la mort

« Avec mes frères responsables de l’Eglise de Medellin, nous avions décidé un jour de nous rendre dans une ville qui se nomme Armenia. Il fallait trois heures de bus et vous savez, en Colombie, posséder une voiture est un luxe. Le bus est le moyen de transport le plus commode et le plus économique.

Nous devions aller prier dans cette ville, comme nous le faisions aussi ailleurs. Ce jour là, nous n’avons pu être à l’heure, et notre départ fut manqué. Alors que nous arrivions, le bus venait de partir.

Tant pis, je n’ai pas mis la faute sur le diable comme beaucoup le font, mais j’ai remercié Dieu pensant qu’il avait autre chose pour nous.

Dieu permit que dans cette journée mon oreille reçoive une information catastrophique. L’autobus que nous devions prendre pour Armenia était tombé dans un ravin. Tous les passagers furent tués, à l’exception d’un homme qui eut les deux jambes coupées.

Dieu nous avait encore gardés de la mort »

« Genèse 28/15 : Voici, je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai dans ce pays ; car je ne t’abandonnerai point, que je n’aie exécuté ce que je te dis »

Qu’est-ce qui a fait effondrer le mur de la chambre ?

Il y a bien des années, Lilias Trotter[1], jeune fille d’une famille nombreuse, avait été élevée dans une belle maison. C’est à son adolescence que quelqu’un découvrit son merveilleux don pour le dessin et la peinture.

Passant ses vacances avec sa mère[2] dans l’hôtel « Europa » à Venise en Italie, elle en avait profité pour faire des esquisses et des dessins[3]. Sa mère, ayant entendu que le célèbre critique d’art John Ruskin[4] séjournait dans le même hôtel, lui écrivit un billet pour lui demander de jeter un coup d’œil sur les dessins de Lilias. Il accepta avec réserve estimant qu’une femme ne peut réellement bien peindre. Mais ce qu’il vit le fit changer d’avis.

 

Il devint son professeur et son ami, convaincu que la jeune Lilias était destinée à devenir une des plus grandes artistes du siècle. Mais il ne put comprendre que l’art n’était pas le plus grand amour de Lilias[5]. Il fut amèrement déçu quand elle abandonna la peinture en tant que carrière. Elle s’exila en Algérie, en Afrique du Nord, pour travailler parmi les mulsumanes et fonda ce qui fut appelé plus tard l’« Algiers Mission Band »[6].

 

C’était un travail très dur. Elle qui appréciait tant la beauté, commença sa vie dans les bas quartiers et les ruelles sordides d’une grande ville. Mais il lui arrivait aussi de voyager. Elle aimait les grands espaces du Sahara et peignait souvent des scènes du désert. Au-dessus de son lit était accrochée une carte de l’Afrique du Nord et elle passait des heures à genoux, en face d’elle, priant pour les villes et les villages éparpillés en Algérie.

 

Peu de gens prêtaient attention au message de l’Evangile qu’elle apportait et parfois elle en était découragée. Alors, elle était tentée de demander : « A quoi sert-il de prier ? Dieu n’a pas l’air de répondre et si peu de gens viennent à la foi en Christ ! »

 

Mais un jour quelque chose se passa, quelque chose qui lui enseigna à persévérer dans la prière, car ce n’est jamais inutile.

 

Un matin, très tôt, elle dormait dans sa maison située dans une ruelle passante, quand soudain, sans le moindre avertissement, le mur entre sa maison et la maison voisine s’écroula avec grand fracas. Heureusement, elle ne fut pas touchée mais sa chambre fut encombrée de poussière et de gravats, de lattes et de plâtre ; elle se surprit à regarder d’un air hébété dans l’étroit passage qui séparait sa maison de l’échoppe du boulanger. Elle n’y comprit rien, car elle n’avait remarqué aucune fissure dans le mur.

Elle fit venir l’entrepreneur local pour reconstruire le mur et essayer de découvrir la cause de l’effondrement. L’entrepreneur, qui était un peu architecte à ses heures, constata l’ampleur des dégâts. Après avoir fait un tour dehors, il revint particulièrement troublé.

 

— J’ai trouvé la vraie raison, dit-il, de l’effondrement de votre mur : il y a sous la boulangerie une sorte de cave aux murs de pierres avec un four et une machine munie d’un mouvement de va-et-vient pour pétrir la pâte à pain.

 

Depuis plus de vingt ans chaque nuit, le boulanger mettait cette machine en marche les vibrations nocturnes ont secoué et affaibli le mur jusqu’à ce jour où, au petit matin, la dernière vibration fait son travail et le mur s’écroule.

 

Le mur fut reconstruit. Les voisins compatirent avec Lilias et l’incitèrent à poursuivre en justice le boulanger mais ne le fit pas. Elle ne regretta pas l’incident car il lui avait enseigné quelque chose d’important.

 

Elle réalisa que ses prières n’étaient pas vaines. Elle réalisa pleinement qu’elle œuvrait au milieu de la souffrance et que le combat qui mène à la Vie ne se gagne pas forcément en un jour… Les victoires sont souvent gagnées petit à petit, étape par étape…

 

De même que chaque vibration avait affaibli son mur, ainsi chaque prière formulée au nom de Jésus a pour effet d’affaiblir l’emprise du péché. Et Lilias, ainsi que d’autres chrétiens continuaient à prier quotidiennement. Ayant persévéré dans la foi et étant resté fermes, ils purent voire à maintes reprises les effets de cet engagement dans la prière pour ses femmes perdues auxquelles ils continuaient à apporter des soins en témoignant de l’Amour de Dieu en Jésus-Christ.

 

Le Nouveau Testament nous encourage à nous revêtir de « toute l’armure de Dieu » pour « résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté » (Ep 6 : 13). L’arme la plus puissante que nous ayons c’est la prière (Ep 6 : 18) car c’est par elle avant tout que nous restons en contact avec Dieu, en utilisant notre propre façon de parler, et les mots qui nous sont personnels. Gardons à la pensée que Dieu ne répond pas forcément de la manière et au moment que nous attendons :

  • A certaines de nos prières, Dieu répond « oui » ;
  • A certaines de nos prières, Dieu répond « non » ;
  • Et bien souvent, Dieu répond « Attends ».


Notes :

[1] Lilias Trotter (1853 – 1928) fut une missionnaire active en Algérie auprès des femmes musulmanes.

[2] Le père de Lilias Trotter décéda alors qu’elle avait 12 ans.

[3] A cette époque, Lilias Trotter est âgée de 23 ans.

[4] John Ruskin (1819 – 1900) est un écrivain, poète, peintre et critique d’art britannique, issu d’une famille d’origine écossaise. Élevé dans une tradition évangélique qui interprète le monde comme le signe du divin, Ruskin voit dans la nature l’expression de Dieu. Il dévoile au grand jour des grands talents de la peinture.

[5] Il réprimandait souvent Lilias qui, à son avis, ne passait pas assez de temps à peindre, et trop de temps dans les rues de Londres pour soutenir et témoigner de sa foi aux femmes démunies (Lilias était très engagée dans l’association « Union Chrétienne des Jeunes Femmes », appelée YWCA encore aujourd’hui).

[6] C’est en 1888 que Lilias Trotter commença cette œuvre en Algérie du Nord en fondant une « mission » qui groupe une trentaine de missionnaires, oeuvrant dans dix localités. C’est après 19 ans d’activité qu’elle reçoit le nom de « Algiers Mission Band » qui se traduit par « Groupe de Mission Algérienne ». En 1928, année de la mort de Miss Trotter, la Mission comptait 13 stations et une trentaine de missionnaires. Dans les années 1960, « Algiers Mission Band » fut rattachée à « Arab World Ministries » (Les ministères du Monde Arabe).

La Bible traduite en polonais

Le 6 juillet 1525, le duc Albert de Brandebourg décrète que la religion d’Etat devient le luthérianisme[1]. Le duché de Prusse[2], alors fief du royaume de Pologne sous le contrôle du trente-septième grand maître de l’Ordre teutonique[3], devient ainsi le premier État d’Europe à adopter officiellement les enseignements de Martin Luther.

 

Albert de Brandebourg veut faire de la capitale de la Prusse-Orientale, Königsberg, un centre culturel protestant. Il y fonde une université et soutient financièrement l’impression des écrits de Luther en plusieurs langues. En 1544, le duc décrète également qu’on devrait lire aux Polonais qui vivent sur ses terres des portions des Saintes Écritures dans leur langue. Toutefois, il n’existe encore, à ce moment-là, aucune traduction de la Bible en polonais.

 

Pour remédier à la situation, le duc Albert se met en quête de quelqu’un qui puisse réaliser une traduction des Écritures grecques chrétiennes en polonais. Aux alentours de 1550, il loue les services d’un homme à la fois écrivain, libraire et imprimeur, appelé Jan Seklucjan. Diplômé de l’université de Leipzig, Seklucjan, en tant que théologien et pasteur luthérien, est connu pour irriter l’Église catholique en répandant les enseignements protestants. D’ailleurs, par le passé, il a dû se rendre à Königsberg pour échapper à un procès qui lui avait été intenté parce qu’il propageait ses croyances religieuses.

 

La mission consistant à traduire les Écritures en polonais enthousiasme Jan Seklucjan. Un an suffit pour que les premiers exemplaires de l’Évangile selon Matthieu soient imprimés. Cette édition inclut un commentaire détaillé et de précieuses notes marginales qui présentent, pour certains passages, d’autres options de traduction possibles. Peu après, Seklucjan supervise l’impression d’une édition contenant les quatre Évangiles. En trois ans à peine, il publie l’intégralité des Écritures grecques chrétiennes.

Début du chapitre 3 de l’Evangile de

Matthieu traduit par Stanislaw Murzynowski.

 

Par souci d’exactitude, le traducteur se réfère aux textes grecs. La préface de l’édition de 1551 signale par ailleurs que des traductions latines et « des traductions en d’autres langues ont été consultées ». Stanislaw Rospond[4], auteur d’un ouvrage consacré à la langue polonaise du 16ème siècle, décrit cette traduction comme étant réalisée en « une prose belle et fluide ». Il indique par ailleurs qu’il ne s’est pas astreint à utiliser la « langue littéraire » mais s’est appliqué à employer des mots qui étaient « très proches du parler de tous les jours ».

 

Bien que Seklucjan ait coordonné ce projet, les faits attestent que ce n’est pas lui qui a réalisé la traduction. Qui, alors, était ce traducteur érudit ? Stanislaw Murzynowski, un jeune homme qui n’a guère plus de 20 ans quand Seklucjan l’engage pour qu’il effectue cette tâche difficile.

 

Murzynowski naît dans un village, mais dès que son père l’estime suffisamment grand, il l’envoie à Königsberg pour entreprendre l’étude du grec et de l’hébreu. Par la suite, Murzynowski entre à l’université de Wittenberg, en Allemagne, où il rencontre probablement Martin Luther[5] et Melanchthon[6]. Après avoir complété ses études en Italie, Murzynowski retourne à Königsberg et offre ses services au duc Albert.

 

Murzynowski a travaillé avec application et efficacité mais il n’a jamais attiré l’attention sur lui, ni cherché une position en vue et encore moins que son nom figure sur la page de titre de sa traduction. Comme l’a si souvent écrit Jean Sébastien Bach, « Soli Deo Gloria », expression latine tirée de la version latine de la Bible, dite la Vulgate, du Nouveau Testament (1 Ti 1 : 17 et Jud 1 : 25) et signifiant à Dieu seul la gloire.


Notes :

[1] Le luthérianisme (ou luthéranisme) est la théologie fondée à partir des écrits et des pensées de Martin Luther.

[2] La fondation du duché de Prusse résulte d’une négociation engagée, sur les conseils de Martin Luther, par Albert de Brandebourg-Ansbach, trente-septième grand maître de l’Ordre teutonique, pour sauver les possessions de l’État teutonique qu’il dirigeait.

[3] L’ordre de la Maison de Sainte-Marie-des-Teutoniques, plus connu sous le nom d’ordre des Chevaliers teutoniques, d’ordre Teutonique ou de maison des chevaliers de l’hôpital de Sainte-Marie-des-Teutoniques à Jérusalem, est un ordre militaire chrétien issu du Moyen Âge. Cet ordre est aujourd’hui un institut religieux clérical de droit pontifical.

[4] Rospond Stanislaw (1906 – 1982) était un linguiste polonais, professeur à l’Université de Wroclaw.

[5] Wittenberg est célèbre pour ses liens étroits avec Martin Luther et l’aube de la Réforme : plusieurs de ses bâtiments sont associés aux événements de ce temps. Une partie du monastère augustin dans laquelle Luther a demeuré, d’abord en tant que moine puis comme propriétaire avec son épouse et sa famille, est préservée, et a été transformée en musée de Luther. Il contient de nombreuses reliques de Luther, ainsi que des portraits et d’autres peintures par Cranach. L’Augusteum, construit entre 1564 et 1583 en raison de la présence du monastère, est maintenant un séminaire théologique.

[6] Melanchthon (1497 – 1560) est souvent appelé le « Précepteur » de la Germanie et « un inspirateur de l’Église territoriale luthérienne ». Il est surtout un des maîtres du protestantisme et était très proche de Luther.

Le Nouveau Testament en langue vuté

Au Cameroun, il existe 22 langues[1] outre l’Anglais et le Français qui sont les deux langues officielles du pays[2].

 

Le projet a commencé en 1973 avec l’arrivée à Yoko d’un couple de linguistes américains, Rhon et Ronda Twing. L’étude phonologique que ce couple amorce aboutira à la mise sur pied d’un système d’écriture et aux premières classes d’alphabétisation. Ceci après la formation de quelques traducteurs à la SIL[3]. Lorsque le couple Twing quitte Yoko en 1981, l’évangile de Luc est imprimé. Au même titre que quelques livres destinés à l’alphabétisation de la langue vuté. Des passages parallèles figurent dans les Evangiles, et quelques dessins bien placés, soulignent et facilitent la compréhension de certains enseignements bibliques.

 

Le projet va connaître une traversée de désert pendant 6 ans. Jusqu’à l’arrivée, en 1991, d’un autre couple de linguistes américains, Pam et James Maxery. Avec eux, et grâce à l’appui de deux traducteurs vutés que sont Jean Soussam et Alfred Oumarou, le projet reprend. En 2002 toutes les épîtres et l’Apocalypse sont traduites et vérifiées. L’ébauche est envoyée à la United Bible Societies à Naïrobi au Kenya en 2005 pour une première édition test, puis en Corée du Sud pour l’édition finale. C’est ainsi que le 2 décembre 2007, Dieudonné Aroga Bessong, conseiller en traduction à l’Alliance Biblique Universelle pour le Cameroun et le Gabon, a déclaré publiquement à Yoko[4] que « la tradition du Nouveau Testament en langue vuté est conforme aux textes initiaux grecs ».

 

Le 1er décembre 2007, tout le pays a fêté cette bonne nouvelle en se réunissant et en manifestant sa joie d’avoir enfin la Parole de Dieu accessible pour tous…


Notes :

[1] Il existe un 23ème dialecte, le Camfranglais qui est un mélange linguistique, qui ne retiens essentiellement que les mots vulgaires et grossiers des différentes langues et dialectes.

[2] Les 22 langues sont le Bamiléké (famille de langues semi-bantoues, parlée par environ 3 millions de personnes au Cameroun), le Bulu (langue africaine, parlée principalement au Cameroun par 800 000 locuteurs, dont 200 000 personnes pour lesquelles il s’agit de la langue maternelle), le Douala (ou Bwambo ba Duala, appartient au groupe des langues bantoues. C’est une langue tonale, et elle possède quelques dialectes), Le Ewondo (à peu près similaire à quelques exceptions près, à d’autres dialectes du Cameroun comme l’Eton, le Nanga, le Bulu, le ntumu[fang]), le Ghomala (fait office de langue écrite commune à plusieurs dialectes bamilékés parlés), le Haoussa (aussi appelé hausawa, hausa, abakwariga, mgbakpa, habe, kado) est une des principales langues commerciales d’Afrique de l’Ouest; elle est parlée par environ 50 millions de personnes), le Kwa’, le Massa (masana ou masa) est une langue parlée au Tchad et au Cameroun. Elle compte environ 200 000 locuteurs), le Medumba (serait d’origine Egyptienne et à la source du Bamiléké), le Mengaka, le Moundang (langue parlée au Tchad et au Cameroun et écrite avec l’alphabet latin depuis que les missionnaires J.I. KAARDAL et Donald RAUN ont traduit l’Evangile de Marc en 1937, le Nouveau Testament en 1948 et la Bible entière en 1983), le Moussey (langue parlée au Tchad et au Cameroun, comptant environ 200 000 locuteurs), Nda’nda’, le Ngiemboon, le Ngomba, le Ngombale, le Ngwe (proche du Yemba et du Ngiemboon), le Ntoumou, le Nufi (également connu sous le nom de Fe’fe’ ou Bafang), le Peul (Le peul est une langue parlée dans une vingtaine d’États d’Afrique occidentale et centrale, des rives du Sénégal à celles du Nil, par les ethnies peuls, toucouleurs et laobés), Le Toupouri (parlée au Tchad et au Cameroun. Le Toupouri ou Tupuri ou encore Tpuri compte environ 200 000 locuteurs) et le Yemba. Beaucoup de ces langues sont à l’origine de plusieurs dialectes.

[3] SIL International (Summer Institute of Linguistics, “Institut Linguistique d’Eté”) a été fondé en 1934 pour former des jeunes gens à l’étude de langues de groupes ethniques à travers le monde pour la traduction de textes de la Bible (voire de la Bible entière). Les premières sessions se déroulèrent dans une ferme du Khansas, aux Etat-Unis (2 étudiant la première année, et 5 la deuxième). Par le passé, les équipes de la SIL ont participées à l’étude de plus de 2300 langues ; aujourd’hui, la SIL est implantée dans plus de 50 pays, et ses équipes travaillent sur plus de 1400 langues.

[4] Ville du Cameroun.

La Bible traduite en Chinois par un infirme

Nous relevons le nom de cent trente-huit missionnaires, dont onze dames ou demoiselles, qui se sont occupés de la traduction de la Bible dans les différentes langues de la Chine. Parmi eux, il y en a un qui mérite une mention spéciale, c’est M. Schereschewsky.

 

Né en 1831, en Lituanie, de parents israélites, Schereschewsky fut élevé dans toute la sagesse des juifs, et fit ses études à l’Université de Breslau[1]. La lecture du Nouveau Testament traduit en hébreu le convainquit de la vérité de l’Évangile. Il se rendit aux États-Unis, y fut baptisé, y fit des études théologiques, et en 1859 partit missionnaire à Shanghai, en Chine. Très doué, connaissant l’hébreu mieux que toute autre langue, il fut appelé à s’occuper de la traduction de la Bible. En collaboration avec quatre collègues, il traduisit le Nouveau Testament en mandarin. Ensuite, à partir de 1865, il traduisit seul l’Ancien Testament dans cette même langue. Cette traduction remarquable parut en 1875 et eut plusieurs éditions, dont la dernière, révisée, est celle de 1899.

 

Il fit plus encore. Il traduisit la Bible entière en wenli[2] simplifié. Le Nouveau Testament en 1898, la Bible entière en 1902. Il révisa ensuite ses deux traductions, les corrigeant, les améliorant pour en faire des Bibles à parallèles.

 

En 1865, six ans après son arrivée en Chine, il fut frappé d’une paralysie qui alla s’aggravant jusqu’à ce qu’elle ne lui laissât plus que l’usage du doigt du milieu de chaque main. C’est avec ces deux doigts qu’il rédigea, au moyen d’une machine à écrire, ses deux traductions. Un secrétaire les recopiait en caractères chinois. Il faut noter qu’il accomplit presque tout ce labeur hors de Chine. Quelques années après être tombé malade, il retourna en Amérique et y vécut vingt ans, après quoi il se rendit au Japon. Il mourut à Kyoto[3] en 1906, après avoir passé les vingt-cinq dernières années de sa vie immobilisé dans un fauteuil.

 

Le mal dont il fut frappé, tout en étant une rude épreuve, lui permit de servir pleinement son Dieu : il put consacrer tout son temps à la traduction de la Bible, et exerça certainement, comme traducteur. Plus que beaucoup d’autres, il put dire : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort ».

 

La Bible, Parole de Dieu, deux fois traduite, en deux formes différentes d’une même langue, pourvues de parallèles, fut ainsi donnée à près d’un quart de la population mondiale… Voici le bilan de cette vie d’infirme. Peu d’hommes, assurément, auront exercé sur l’humanité une action plus étendue et plus profonde que ce fils d’Israël, amené à Jésus Christ par la lecture d’un Nouveau Testament hébreu.

 

Il a accompli ce que l’apôtre Paul a écrit : « courons pour remporter la couronne » et « persévérons »…

 

Une difficulté de la traduction en chinois de la Bible, qui n’a pas encore été entièrement surmontée, est venue s’ajouter à toutes celles qui sont inhérentes à l’étude même de la langue, la difficulté de trouver un terme chinois qui rende convenablement le nom de Dieu. C’est là un cas extraordinaire, unique, dans l’histoire des traductions de la Bible, et qui dépasse la compréhension de ceux qui ne sont pas initiés.

 

Cette difficulté n’est pas nouvelle. La controverse à laquelle elle a donné lieu dure depuis plus de deux cents ans. Au dix-septième et au dix-huitième siècle, plusieurs papes intervinrent par des décrets contradictoires. Les missionnaires protestants, à partir de 1850, ne se trouvèrent pas moins divisés sur cette question que les missionnaires catholiques. Voici un trait qui montre combien la controverse a été ardente et compliquée. En février 1901, un missionnaire bien connu commença, sur cette question, dans le Chinese Recorder, une série d’articles mensuels qui se succédèrent jusqu’au mois d’août 1902. Il avait, pendant vingt ans, réuni et catalogué plus de 13.000 passages de la littérature chinoise pour établir son opinion. Et quand il termina ses articles, il estimait n’avoir pas épuisé le sujet! Cette difficulté n’est pas spéciale au wenli et au mandarin. Elle se reproduit dans toutes les langues provinciales.

 

En fait, le chinois n’a pas de mot pour désigner la divinité, pas de mot qui réponde à l’Elohim hébreu. Le mot propre manquant, trois termes se sont présentés:

 

Schang-Ti (maître suprême), Shen (esprit), et Tien-Tchéou (Seigneur du ciel). La majorité des missionnaires anglais ont été pour le premier de ces termes, et la majorité des missionnaires américains, pour le second. Le troisième, depuis le décret papal de 1704, a été adopté par les catholiques. La raison pour laquelle la controverse sur ce sujet a été si passionnée, c’est que Shang-Ti est le nom donné à certains dieux chinois et aux empereurs déifiés. Les adversaires de ce terme ne voulaient pas donner au vrai Dieu le nom d’une idole, afin de ne pas risquer de l’abaisser au niveau des images de bois qu’on trouve dans les temples païens des villes chinoises. Les partisans de Shang-Ti répondaient que ce terme appartenait à l’époque primitive, monothéiste, antérieure au bouddhisme et au taoïsme, qu’il désignait le maître suprême du ciel et de la terre, un dieu dont les attributs rappelaient ceux du Jéhovah de l’Ancien Testament, et qu’on pouvait l’adopter comme les apôtres avaient adopté le mot Théos, qui était loin de désigner le vrai Dieu des chrétiens.

 

L’entente ne pouvant se faire, ni parmi les traducteurs, ni parmi les missionnaires, il fallut imprimer des éditions diverses des mêmes traductions, afin que personne ne fût choqué en trouvant dans sa Bible le nom qu’il désapprouvait.

 

Actuellement la controverse touche à sa fin. Les missionnaires se sont mis d’accord pour adopter, dans la version en mandarin, Shen, comme terme générique pour Dieu, et Shang-Ti pour désigner le vrai Dieu.


Notes :

[1] Wrocław (Breslau en allemand) est la quatrième ville de Pologne.

[2] Le wenli (ce mot signifie littéraire, classique) n’est pas une langue parlée; c’est une langue écrite, susceptible de prononciations fort différentes. Deux Chinois, l’un de Canton, l’autre de Ning-po, lisant à haute voix la même page en wenli ne se comprendront pas l’un l’autre, parce qu’ils la liront, l’un dans la langue de Canton, l’autre dans la langue de Ning-po. C’est un peu comme nos chiffres arabes, qui, pour les yeux, sont les mêmes dans toutes les langues européennes, mais qui pour l’oreille s’expriment de manières très différentes et qui parfois n’ont aucun rapport entre elles. Quinze, fünfzehn, fifteen, pymp theg, quindichi, décapenté, piatnadziat, voilà comment on dit 15 en français, en allemand, en anglais, en gallois, en italien, en grec, en russe. C’est la même chose, et ce n’est pas la même chose. Cette langue littéraire a trois formes : le wenli proprement dit, le wenli ancien, ou ku-wen, et le wenli simplifié, ou siao-wen. C’est le wenli simplifié qui est la langue officielle, la langue de tous les décrets du gouvernement, la langue des affiches. En dehors du wenli et du mandarin, répandus le premier dans la totalité, le second dans les trois quarts de l’empire chinois, il y a neuf langues provinciales qui ne sont pas des dialectes, mais des langues tout à fait distinctes, et dont quelques-unes sont parlées par des millions d’hommes.

[3] Kyoto (littéralement, ville capitale) fut de 794 à 1868 la capitale du Japon.

Les Bibles malgaches

Les premiers missionnaires protestants arrivèrent à Madagascar en 1818. C’étaient David Jones et Thomas Bevan, chacun accompagné de sa femme et d’un enfant. Au bout de quelques mois, sur ces six personnes, cinq étaient mortes de la malaria, et David Jones, seul survivant, était lui-même très malade. Il se rétablit, et en 1821 fut rejoint par David Griffith, gallois comme lui.

 

À ce moment-là, il y avait peut-être en tout six Malgaches capables d’écrire leur langue, et cela en empruntant les caractères arabes. Le malgache n’existait pas comme langue écrite. Mais en 1823, Jones et Griffith avaient créé une écriture en harmonie avec les règles de grammaire qu’ils avaient détectées. En 1826, la Société missionnaire de Londres leur envoyait une machine à imprimer.

 

En janvier 1827, les missionnaires écrivaient:

 

Nous avons consacré la journée du 1er janvier à la révision finale et à l’impression du premier chapitre de Luc. Nous voulions, par ce ministère, en ouvrant sur un sol aride et desséché la fontaine des eaux vives, sanctifier cette nouvelle année de labeur missionnaire. Puissent les eaux de guérison couler bientôt en mille canaux et transformer ce pays en un jardin de l’Éternel

 

Avant la fin de l’année, les missionnaires avaient imprimé l’Évangile de Luc à 1.500 exemplaires. En 1830, le Nouveau Testament était imprimé à 3.000 exemplaires.

 

Je ne veux pas prophétiser, écrivait le missionnaire-imprimeur, mais je ne puis pas croire que la Parole de Dieu soit jamais exterminée de ce pays, ou que le nom de Jésus y soit jamais oublié.

 

La publication du Nouveau Testament excita chez les indigènes un esprit de saine curiosité. Leur Nouveau Testament à la main, ils entouraient en grand nombre la demeure des missionnaires pour se faire expliquer les passages qu’ils avaient marqués. On était étonné de voir la Parole de Dieu trouver chez eux tant d’écho. Ils comprenaient très bien tous les passages qui condamnaient l’idolâtrie et la sorcellerie. À propos du passage : Vous observez les jours et les mois, un jeune garçon fit cette remarque : «Voilà qui condamne les gens qui tuent leurs enfants parce que le jour ou le mois de leur naissance est réputé mauvais, et ceux qui s’abstiennent de faire quelque chose aux temps dits néfastes».

 

En mars 1835, comme l’impression de l’Ancien Testament touchait à son terme, la persécution éclata. La reine Ranavalona fit réunir tous les exemplaires des Écritures qu’on put trouver, et les fit remettre aux missionnaires comme objets prohibés. La lecture des Écritures, comme la prière, fut interdite sous peine de condamnation à la mort ou à l’esclavage. À cette époque, il restait à imprimer les livres d’Ézéchiel à Malachie, et une partie du livre de Job. Aucun indigène n’osait prêter la main à ce travail. Tout ce qui restait fut composé par le missionnaire Baker et imprimé par un artisan missionnaire, M. Kitching. Le 21 juin, la première Bible malgache était imprimée et reliée. Jamais ministère ne fut plus fécond et plus glorieux que celui qu’accomplirent ces deux hommes pendant ces trois mois. Il se prépara là bien des palmes et bien des couronnes!

 

Des exemplaires de la Bible furent remis aux indigènes. Ceux qui les recevaient savaient fort bien qu’en les recevant ils risquaient leur vie. Quand les missionnaires, expulsés, quittèrent l’île, en juillet 1836, il restait encore un stock de soixante-dix Bibles. Les missionnaires enterrèrent ces soixante-dix Bibles et en indiquèrent la cachette à quelques-uns de leurs convertis. Ce fut là, pour de longues années, le dépôt biblique des chrétiens malgaches. Ces Bibles, comme on l’a dit, furent le combustible qui, pendant plus d’un quart de siècle de persécution, alimenta le feu sacré à Madagascar. Plusieurs de ces Bibles existent encore. On en voit une à la bibliothèque de la Société biblique britannique.

 

Le souvenir de la persécution le plus émouvant que j’aie rapporté, racontait plus tard un missionnaire, consiste en quelques fragments des Écritures, usés, déchirés, portant des taches de terre ou de fumée qui sont les marques de leur cachette, mais soigneusement réparées : ces feuilles sont cousues entre elles par des fibres d’écorce, et leurs marges sont recouvertes de papier plus fort.

 

On comprend que ces Bibles se soient usées! Elles circulaient par fragments; on échangeait des moitiés, des quarts de Bible. Comme les exemplaires étaient rares, il circulait aussi des fragments copiés à la main. Des chrétiens se réunissaient pour méditer la Bible et prier, en particulier sur une montagne, à quelque distance de la capitale. Quand on les découvrait, ou quand on découvrait leur Bible, c’était l’esclavage ou la torture, ou une mort cruelle.

 

Plusieurs réussirent à cacher leurs Bibles. Les uns les dissimulaient adroitement dans des troncs d’arbres, d’autres les confiaient à des cachettes pratiquées dans des endroits réputés inaccessibles, d’autres, après les avoir enveloppées, les enterraient soigneusement. Voici à quel moyen on eut recours dans le Vonizongo.

 

Quand la reine Ranavalona ordonna des perquisitions sévères pour faire saisir toutes les Bibles qu’il y avait à Madagascar, les chrétiens du Vonizongo se dirent : «Si nous perdons notre Bible, que deviendrons-nous?» Et ils décidèrent de cacher leur Bible dans une caverne creusée, au temps jadis, près du village de Fihaonana, pour servir d’hôpital aux varioleux. Les chrétiens malgaches bravaient, pour l’amour de leur Bible, le danger de la contamination, bien assurés que les émissaires de la reine n’auraient pas le même courage.

 

Les émissaires vinrent dans le village et y firent une recherche acharnée, sans rien trouver. Ils se dirigèrent ensuite vers la caverne. «Vous savez sans doute, leur dit quelqu’un, que cette caverne est l’hôpital des varioleux? — Non! répondit, sursautant avec horreur, l’un des émissaires. Pourquoi ne nous l’avez-vous pas dit plus tôt, malheureux?» Les émissaires opérèrent une prompte retraite, et la Bible fut sauvée.

 

Ces Bibles, on allait, aussi souvent que possible, les retirer de leur cachette, les lire en secret ou en public, selon le degré qu’atteignait la persécution, et on les replaçait bien vite en lieu sûr.

 

Pendant un quart de siècle, les chrétiens malgaches persécutés n’eurent d’autre missionnaire que la Bible. Et lorsque, en 1861, après la mort de Ranavalona, les missionnaires anglais revinrent, au lieu de mille adhérents et de deux cents chrétiens déclarés qu’il y avait en 1835 à Madagascar, ils trouvèrent cinq mille chrétiens déclarés. Voilà ce qu’avait fait la lecture de la Bible. La Bible est un bon missionnaire.

 

En 1872, les missionnaires commencèrent à procéder à la révision de la Bible malgache. La Bible révisée fut imprimée en 1888 par la Société britannique.

 

«Nous voici en septembre 1897, écrit le missionnaire Élisée Escande en 1906, dans cette province d’Ambositra connue par un récent et magnifique réveil. Le missionnaire qui s’y installe est en proie à la plus profonde détresse. Un vent de persécution a passé sur ce district. La population presque toute entière est passée au catholicisme.

 

«Qu’est-ce qui va empêcher le missionnaire de se sentir vaincu avant d’entreprendre la lutte ? C’est ce qu’il apprend de l’amour des Malgaches pour leur Bible.

 

«Lorsque les habitants du district d’Ambositra crurent qu’ils n’avaient qu’un moyen de montrer leur soumission à la France, celui de «devenir catholiques», ils furent sollicités par le père jésuite de lui remettre leurs Bibles. Les plus peureux le firent, et quelle ne fut pas leur consternation quand ils virent le père jésuite faire brûler toutes ces Bibles! Dès ce moment, aucune Bible ne lui fut plus apportée. À l’exemple de leurs pères, ces Malgaches cachèrent leurs Bibles dans des endroits où les émissaires du père jésuite ne pouvaient les trouver. Eux aussi lisaient en secret, en cachette des voisins et de certains membres de leur famille, leur chère Bible. Ils sont venus dire au premier missionnaire protestant d’Ambositra leur honte d’avoir abandonné le protestantisme, et, comme s’ils devinaient ce qui leur concilierait le plus l’affection de celui qui venait leur montrer leur faute et les exhorter à revenir au Christ de l’Évangile, ils lui disaient : «Mais nous avons conservé nos Bibles, nous continuons à les lire en cachette, et dès que vous serez venu rouvrir la lutte dans notre village, nous tirerons nos Bibles de leur cachette, et nous nous en servirons ouvertement comme par le passé». Et l’une des joies les plus pures que ce missionnaire a éprouvées pendant les premiers mois de son ministère a été de voir ces Malgaches venir assister au culte, dans une case basse et enfumée, se tassant comme des harengs, la joie peinte sur leur figure, et leur Bible, leur chère Bible à la main. Avec quelle promptitude les passages indiqués étaient trouvés, avec quelle émotion ils étaient relus en public à haute voix, avec quel entrain parfois ils étaient commentés!»

 

En 1900 et 1901 éclata dans le Betsiléo un puissant réveil religieux au sujet duquel le missionnaire norvégien Borchgrevink a écrit ceci : «Ce qu’il y a de plus remarquable dans ce réveil, c’est qu’il faut l’attribuer non à la prédication de l’Évangile, mais à la lecture de la Bible. La Bible en a été le seul instrument ».

Le violoniste et son maître

Un jeune homme avait étudié le violon sous la direction d’un grand maître et donnait son premier récital en présence de celui-ci. Le concert eut un très grand succès. En dépit des applaudissements de la foule, le jeune musicien semblait insatis­fait. A la dernière note de son morceau, tandis que les acclamations devenaient plus bruyantes que jamais, il avait les yeux fixés sur son maître assis au bal­con. Enfin, celui-ci lui adressa un sourire d’approbation et aussitôt le jeune violoniste se détendit et devint rayonnant de joie. Les applaudissements de la foule ne signifiaient rien pour lui, tant qu’il n’avait pas reçu l’approbation de son maître.

 

Quel beau comportement digne d’être imité! « Voici, comme les yeux des serviteurs sont fixés sur la main de leurs maîtres… ainsi nos yeux se tournent vers l’Eternel, notre Dieu» (Ps 123:2).

 

Le serviteur de Dieu ou le disciple de Jésus-Christ doit veiller, car il peut servir son Maître avec de mauvaises motivations. Certains travailleront pour se bâtir un empire personnel, d’autres pour avoir le consentement des hommes, d’autres encore pour se faire un nom dans leur organisation. Mais toutes ces choses disparaîtront un jour.

 

La seule récompense que nous devrions tous rechercher, c’est d’avoir l’approbation de notre Maître, afin qu’un jour il puisse nous dire: «C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de choses, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître» (Mt 25:21).

Quand la foi devient philosophie

Timothée Richard était un jeune baptiste gallois, compétent et à la forte personnalité. Il avait d’abord voulu se mettre au service de la CIM[1], mais on lui avait conseillé de travailler avec la Société Mission­naire Baptiste. il était arrivé en Chine en 1870, âgé de 25 ans. D’emblée, Richard se mit à attacher une grande importance à l’établissement du royaume de Dieu sur la terre, et à protéger le pauvre et le malheureux d’une exploitation tyrannique.

 

Etabli dans la province du nord de Shantung[2], il avait été très touché par la grande famine qui avait sévi durant les années 1877-79, tout particulièrement dans le Shanxi[3]. Il aspirait de tout son cœur à voir la Chine transformée par l’adoption de ce qu’il y avait de meilleur en Occident, notamment les techniques, de telle sorte que pareil désastre ne puisse plus jamais se reproduire.

 

Malheureusement, Richard prétendait que Dieu agissait au travers des autres religions comme le confucia­nisme, le bouddhisme et le taoïsme[4]. Si on pouvait souligner les aspects de ces religions qui étaient en accord avec le christianisme, leurs adeptes seraient facilement amenés à la foi en Christ, et avec le temps, toute la Chine connaîtrait une profonde transformation chrétienne. Il ne tarissait pas d’éloges sur le bon côté de la civilisation chinoise, et consacra beaucoup de temps à étudier les classiques chinois et les écrits sacrés. Il s’efforça d’atteindre l’élite intellectuelle et usa plus tard de son influence pour fonder dans le Shanxi une université où les idées occidentales allaient être enseignées parallè­lement à l’histoire et à la culture chinoises.

 

Hudson Taylor estimait que sa théorie menait à la mort, car Richard était réfractaire à la prédication de la grâce, préférant, pour préparer le chemin de l’Evangile, distribuer des traités moraux parlant de Dieu mais non de Christ.

 

Mais Timothée Richard savait se montrer persuasif, et il com­mença à gagner à ses idées certains membres de la CIM, notamment ceux qui vivaient dans la province de Shanxi. L’expression « l’esprit de Shanxi » servit à désigner la diminution de la ferveur évangélique consécutive à l’enseignement de Richard. La foi d’un des membres de la CIM fut ébranlée au point que le missionnaire dut être rapatrié. Un autre envisagea de quitter la CIM pour se mettre au service d’une société missionnaire qui assurait à ses ouvriers un salaire régulier. A la suite des doctrines propagées par Richard, trois ou quatre missionnaires quittèrent la CIM, bien que quelques-uns revinrent plus tard à leurs convictions premières. Richard lui-même, devenu de plus en plus libéral dans son enseignement, démissionna de la Société Missionnaire Baptiste, mais continua à travailler en Chine durant près de cinquante ans.


Notes :

[1] Acronyme de l’anglais pour la Mission de l’Intérieur de la Chine qui est une société de missions en Chine, fondée par Hudson Taylor le 25 juin 1865 à Brighton.

[2] Shantung est une province du nord est de la Chine. Elle est située au nord de la province de Shanghai.

[3] Le Shanxi est une province du nord-est de la Chine, à l’ouest de la province de Shantung. Elle est surtout de religion bouddhique (Les grottes bouddhiques de Yungang shiku qui sont dans cette province contiennent les plus anciennes sculptures de Chine).

[4] Le taoïsme (« enseignement de la Voie ») est à la fois une philosophie et une religion chinoise. Plongeant ses racines dans la culture ancienne, ce courant se fonde sur des textes, dont le Dao De Jing (tao te ting) de Lao Zi (Lao-tseu), et s’exprime par des pratiques qui influencèrent tout l’Extrême-Orient. Il apporte entre autres : 1°) une mystique quiétiste, reprise par le bouddhisme Chan (ancêtre du zen japonais) ; 2°) une éthique libertaire qui inspira notamment la littérature ; 3°) un sens des équilibres yin yang poursuivi par la médecine chinoise et le développement personnel ; 4°) un naturalisme visible dans la calligraphie et l’art.

Le dernier Noël de Anna

Suzanne est une belle fillette de douze ans, très développée pour son âge et remarquablement douée. Elle est l’aînée d’une fa­mille de trois enfants et habite, avec ses parents, un bel appar­tement, dans un quartier central de Paris.

 

Nous voici à la veille de Noël et les enfants qui sont en vacances bavardent à qui mieux mieux à la table du petit déjeuner.

 

Le facteur a apporté un livre, à l’adresse de Suzanne, qui est bientôt profondément absorbée, tournant l’une après l’autre les pages bien illustrées. Puis, tout à coup, se tournant vers sa mère:

— Maman, tu vas lever ma puni­tion, dis?

— Quelle punition?

— Mais tu sais bien, tu as dit que je n’irais pas à l’arbre de Noël !

— Oui, je me souviens mainte­nant. Eh! bien non, ma fille, ta punition ne sera pas levée du tout. Tu te plains toujours que ces arbres de Noël sont assom­mants, qu’on s’y ennuie, que c’est tous les ans la même cho­se, etc. … donc, je t’ai prise au mot.

 

Suzanne baissa la tête et garda le silence, car elle savait bien que les décisions de Maman étaient immuables. Quand elle avait dit: Non, c’était non! Il n’y avait rien à faire.

 

Pauvre Suzanne! Elle aurait pu être si heureuse et faire le bon­heur des siens si ce n’eût été son terrible orgueil!

 

Elle avait tellement conscience d’elle-même, de sa beauté, de sa brillante intelligence qui lui atti­rait toujours les compliments de ses professeurs et l’admiration parfois un peu mêlée de jalousie de ses compagnes de classe.

 

Elle travaillait avec un zèle in­lassable, mais non pas pour plai­re à ses parents, ni encore moins au Seigneur Jésus, auquel elle ne pensait guère, mais unique­ment pour satisfaire ses ambi­tions et obtenir les plus beaux prix à la fin de l’année.

 

Quant à ses deux mignonnes pe­tites sœurs, elle ne s’en souciait pas le moins du monde, de sorte qu’elles ne la recherchaient pas non plus, préférant aller vers leur maman dans leurs petits cha­grins comme dans leurs joies en­fantines.

 

Les parents de Suzanne se ren­daient bien compte du péril pour leur enfant et l’entouraient de leurs prières constantes, comp­tant sur le Seigneur pour lui ré­véler son état de péché.

 

Tout le monde est parti pour l’arbre de Noël, même la bonne qui, jeune encore, n’est nulle­ment blasée de ces sortes de choses.

 

Restée toute seule dans l’appar­tement, Suzanne tâche de chas­ser les idées sombres qui, com­me autant de petits papillons noirs, tournent et retournent dans sa tête.

 

S’installant alors dans un bon fauteuil, à côté d’une élégante lampe portative, elle essaie de s’absorber dans son beau livre, reçu le matin même, afin d’ou­blier ses ennuis.

 

Au bout d’un moment, voilà qu’un coup de sonnette la fait tressaillir. Qui donc peut bien venir les déranger la veille de Noël ?

 

Elle pourrait bien ne pas répon­dre, car ne devait-elle pas être sortie à cette heure-ci avec tou­te la famille? Pourtant, la curio­sité l’emportant sur la paresse, elle se décida, au second coup, à aller ouvrir la porte.

 

Une femme vêtue de noir, la fi­gure pâle et triste, se présenta alors, et elle reconnut immédia­tement leur voisine, Mme Pinnel, que sa mère visitait souvent pour lui faire du bien. Refusant résolument d’entrer, Mme Pinnel expliqua qu’elle devait s’absen­ter un moment pour aller rap­porter son ouvrage et avait es­péré que Mme D. voudrait bien tenir compagnie à sa fille, bien malade.

 

Suzanne connaissait bien la pe­tite Anna qui était venue tant de fois avec sa mère quand Mme D. l’employait pour des journées de couture. Mais, bien que son aînée d’un an seulement, Suzan­ne se considérait comme telle­ment supérieure à cette pauvre petite si ignorante, qu’elle ne lui adressait presque jamais la pa­role et la laissait entièrement à ses jeux puérils, en compagnie de ses petites sœurs.

 

Or, depuis plusieurs mois, Anna était alitée, gravement atteinte de la poitrine. Sa pauvre mère, veuve et sans ressources, devait travailler nuit et jour à l’aiguille pour pourvoir aux frais écrasants des remèdes, venant s’ajouter à leur entretien.

 

La maman d’Anna était conster­née de ne pas trouver son amie et protectrice sur qui elle avait compté pour venir au chevet de sa chère enfant, pendant ces longs moments de solitude. Voyant son expression de si pro­fond désappointement, Suzanne eut un bon mouvement et décida spontanément de se rendre elle-même auprès d’Anna.

 

Mme Pinnel la remercia avec ef­fusion de sa complaisance et, son gros paquet sous le bras, se hâta de redescendre les éta­ges pour se rendre à son atelier aussi vite que ses pauvres jam­bes pouvaient la porter.

 

Suzanne, tout en s’habillant pour sortir, se demandait pourquoi el­le avait été poussée à prendre cette brusque décision. Plus tard, elle comprit que Dieu incli­ne les cœurs des hommes (et même des petites filles parfois) «comme des ruisseaux d’eau», selon Sa Parole.

 

Au moment de quitter le salon, elle aperçut le joli bouquet de violettes, et pensant qu’il ferait plaisir à la petite malade, elle l’enveloppa soigneusement et l’emporta.

 

Après avoir gravi quatre à quatre les six étages de la maison voi­sine, elle s’arrêta un instant pour reprendre haleine puis frappa un petit coup timide à la porte.

 

Une voix faible répondit: « En­trez ! ».

 

En s’approchant du lit où repo­sait la malade, Suzanne fut frap­pée de la voir si changée, depuis qu’elle ne l’avait pas vue. Ses joues étaient creuses, ses yeux brillants de fièvre, ses longues mains amaigries reposaient sur les pages de sa vieille Bible, ou­verte sur son lit.

 

En voyant Suzanne, au lieu de sa mère, la pauvre petite fut plu­tôt déçue, mais surmontant bien vite ce sentiment, elle la remer­cia d’être venue et fut ravie du joli bouquet. Puis, la conversation s’engagea entre nos deux fillettes.

— J’espère que tu vas aller mieux et que tu pourras bientôt te lever.

— Oh! je sais bien que je n’irai jamais mieux; je vais bientôt partir.

— Partir où? Qu’est-ce que tu veux dire?

— Mais là-haut, près de Jésus

 

Il m’appelle et … je suis si heu­reuse ! Je L’aime tant, le Seigneur Jésus! … Est-ce que tu L’aimes aussi ?

 

Suzanne fit un signe affirmatif, et pour cacher son trouble propo­sa de mettre les violettes dans l’eau. Anna continua d’une voix entre­coupée par les accès de toux:

— L’année dernière, ta maman m’avait invitée à l’arbre de Noël, mais j’étais trop enrhumée … je n’ai pas pu y aller … Je n’en ai jamais vu, moi, d’arbre de Noël ça doit être bien joli! … Mais là-haut, je verrai des choses bien plus belles encore !

 

Ici, l’enfant fut Interrompue par une violente quinte qui la laissa toute épuisée et haletante. Su­zanne était de plus en plus trou­blée et ne voulait à aucun prix laisser deviner l’émotion étran­ge qui l’étreignait en présence de cette âme au seuil de l’éter­nité.

 

Courant à la cuisine, elle décou­vrit une petite casserole contenant de l’infusion et crut bien faire d’en donner quelques cuil­lerées à Anna qui la remercia d’un gracieux sourire. Après avoir un peu repris haleine, elle continua la conversation.

 

— Je l’aime bien, ta maman C’est elle qui m’a appris à con­naître Jésus … depuis que je L’ai reçu dans mon cœur… je n’ai plus du tout peur de mourir. Avant j’avais bien peur

— Mais tu ne devrais pas penser à la mort, Anna, tu es encore si jeune! Et que deviendrait ta pau­vre maman?

 

Ici, un léger nuage passa sur le visage de l’enfant et d’une voix faible, elle murmura.

— Je crois que maman viendra bientôt me rejoindre.

 

Sur ces entrefaites, la nuit était venue et Suzanne proposa d’al­lumer la lampe, quand des pas se firent entendre dans l’esca­lier. Un instant après, Mme Pin­nel entrait, tout essoufflée, tant elle s’était dépêchée.

 

Tandis qu’elle s’empressait au­tour de sa chère malade pour lui faire prendre le sirop qu’elle ve­nait de rapporter, Suzanne, pres­sée de fuir cette atmosphère qui lui causait un malaise croissant, enfilait son manteau sans per­dre un instant. Puis, tendant la main à la fillette et à sa mère qui se confondit encore en remer­ciements, descendit prestement l’escalier, en se demandant

ce que penserait sa mère de son absence prolongée.

 

Quand elle arriva chez elle, tou­te la famille était de retour et un joyeux brouhaha se faisait en­tendre, les enfants étant au com­ble de la joie de pouvoir s’ébat­tre librement et raconter leurs impressions sur la fête.

 

Courant vers sa mère, elle lui raconta les événements de l’a­près-midi, et fut soulagée de voir l’expression sévère de maman se radoucir immédiatement.

Elle savait bien que maman ne manquerait pas d’approuver sa conduite.

 

Après tout, c’était bien une «bonne oeuvre» qu’elle venait d’accomplir, en allant s’enfer­mer dans cette chambre malsai­ne, près d’une tuberculeuse! Tout le monde n’en ferait pas autant, un jour de fête!

 

Et Suzanne chercha ainsi à se persuader que tout était bien en règle et que le Seigneur devait être bien content d’elle. Pourtant, le malaise intérieur causé par les paroles d’Anna persistait à la hanter. «Je m’en vais près de Jésus … je L’aime tant … est-ce que tu L’aimes aus­si ?».

 

Ces paroles résonnaient tou­jours au fond de son cœur com­me une accusation terrible. Pen­dant toute la soirée, elle ne prê­ta qu’une attention distraite à tout ce qui se passait autour d’elle.

 

Quand enfin elle put se trouver seule, dans sa jolie chambre ro­se, un texte pendu au-dessus de son lit attira son attention (bien qu’il eût été là depuis bien long­temps sans qu’elle l’eût jamais remarqué): «Le Maître est là et Il t’appelle».

 

Elle mit longtemps à s’endormir, ce soir-là, poursuivie par tant de pensées et de désirs contradic­toires. Quand, enfin, le sommeil vint, elle rêva qu’elle contemplait un ciel étoilé d’une splendeur merveilleuse, puis il parut à l’ho­rizon un nuage blanc, lumineux et dans ce nuage apparut le vi­sage d’Anna rayonnant d’une gloire et d’une beauté indescrip­tibles, tandis qu’au loin, un chant céleste se faisait enten­dre.

 

Elle se réveilla en sursaut, le vi­sage inondé de larmes. Oui, elle avait vraiment pleuré, mais quel­le bêtise! … Ce n’était pourtant qu’un rêve!

 

Le jour suivant, toujours tant at­tendu par les enfants, apporta son butin de choses désirables, jouets, bonbons, cadeaux divers. Pour Suzanne, il y avait un al­bum superbe représentant les plus belles scènes de lia vie du Sauveur. Elle le contempla lon­guement avec une expression sérieuse qui ne lui était pas ha­bituelle, puis avec un profond soupir, se tournant vers sa mère:

—  Maman, est-ce que tu me permettrais de le donner à An­na?

— Vraiment, ma fille? Est-ce que ce cadeau ne t’intéresse pas, que tu penses déjà à t’en défai­re?

— Oh! non, Maman, je t’assure ce n’est pas parce que je ne l’aime pas, mais… je pensais que, puisqu’Anna va bientôt mou­rir, peut-être … j’aimerais lui fai­re ce plaisir.

 

Mme D. se douta que quelque chose avait dû se passer entre les deux enfants, mais avec son tact habituel, elle s’abstint de toute question devant les autres membres de la famille.

— Très bien, ma chérie, je compte lui rendre visite cet après-midi. Si tu veux, tu pour­ras m’accompagner et lui offrir toi-même ton cadeau.

 

Quelques heures plus tard, la mère et la fille se rendaient dans l’humble demeure de la coutu­rière qui les reçut avec joie.

 

Pendant que les mamans cau­saient entre elles, Suzanne s’ap­procha du lit de sa nouvelle amie et lui montra le beau livre dont les gravures la remplirent d’ad­miration. Quand enfin elle com­prit qu’il lui était vraiment don­né, une couleur inusitée monta à ses joues pâles et ses yeux se remplirent de larmes. Suzanne était profondément é­mue et, surmontant ses craintes de contagion, elle se pencha vers Anna et l’embrassa au front, tandis que sa mère qui observait de loin cette petite scène, ren­dait grâces à Dieu pour le chan­gement qui s’était opéré dans le cœur de son enfant.

 

Huit jours plus tard, la petite brebis du Bon Berger avait été recueillie dans le Bercail céles­te. Elle était partie sans souf­france et dans la joie parfaite en murmurant: «Seigneur Jésus, je viens … je viens!».

 

Sa mère, humble et soumise, re­mit à Son Père céleste le trésor qu’il lui avait confié avec les pa­roles sublimes de Job: «L’Eter­nel l’a donné, l’Eternel l’a ôté; que le Nom de l’Eternel soit bé­ni!».

 

Une année s’est écoulée et de nouveau, c’est la veille de Noël. Mme D. assise à son bureau, écrit une lettre d’encouragement à son ancienne protégée qui est maintenant bien loin de Paris. Elle a trouvé sa place dans un orphelinat chrétien où, comme lingère bénévole, elle exerce autour d’elle une influence bénie par sa piété sereine et joyeuse, malgré son grand deuil.

 

Suzanne se souvient de cette veille de Noël, mémorable entre toutes, où pour la première fois, Dieu avait parlé à son cœur par le témoignage de son enfant mourante. Aussi, elle se sent poussée à joindre un petit mot à la lettre de Maman:

 

« Chère Madame Pinnel, Je veux vous dire que cette veille de Noël me rappelle ma vi­site de l’an passé à notre chère petite Anna. Je sais que vous serez heureuse de savoir que c’est par son moyen que je suis venue au Seigneur Jésus, moi aussi ! Je suis loin de ressembler à Anna, je suis encore bien mé­chante parfois, mais je sais qu’il m’aime et qu’il m’a pardonné tous mes péchés. Voulez-vous prier aussi pour moi, afin que je sois gardée fidèle et que je puis­se parler de Lui à l’école, car c’est si difficile, vous savez ! Mais je crois qu’il m’aidera. Mes pe­tites sœurs aussi vous envoient leurs amitiés, et moi je vous em­brasse de tout mon cœur.

 

Votre petite sœur en Jésus,

Suzanne »