Le silence de Flavius Josephe au sujet de Jésus

A considérer les compatriotes de Jésus parmi les­quels se déroula sa vie humaine et à recueillir leurs témoignages, on n’est pas plus avancé et l’on se heurte même à une nouvelle énigme. Les Juifs du temps du Christ ont eu plusieurs écrivains. A Alexan­drie vivait le philosophe Philon[1], néo-platonicien, dont nous possédons une cinquantaine de traités, né quelque vingt ans avant Jésus, mort environ vingt ans après, il est son exact contemporain. Nulle part, pourtant, il ne prononce son nom. Sans doute cet intellectuel raffiné, représentant typique de la Diaspora juive de haute culture, dont l’horizon était tout hellénique et romain, n’avait-il aucune curiosité pour les faits et gestes d’un de ces agitateurs populaires comme les derniers temps d’Israël en avaient compté un bon nombre.

Un Galiléen, compatriote de Jésus, né à peu près au moment où celui-ci mourait, Juste de Tibériade[2], avait écrit une Chronique, qui allait de Moïse aux jours d’Hérode Agrippa 2, c’est-à-dire vers 100 de notre ère. Son oeuvre est perdue, mais on sait qu’il n’y parlait pas de Jésus, de ce Jésus dont la prédication, cependant, venait de remuer son peuple. L’explication de ce silence, l’historien byzan­tin du 9ème siècle, Photius[3], qui avait lu cette Chro­nique, l’a sans doute bien formulée « Juif de race, infecté de préjugés juifs, Juste ne fait nulle mention de la venue du Christ, des événements de sa vie, ni de ses miracles. » Il est vrai qu’il y a des silences intentionnels, et révélateurs.

Celui de Flavius Josèphe pourrait bien avoir le même sens. C’est un historien considérable que Josèphe. Ses Antiquités Hébraïques sont, sous quel­ques réserves, infiniment précieuses pour compléter les indications de l’Ancien Testament sur la destinée d’Israël. Sa Guerre juive, publiée vers 77, c’est-à-dire très peu de temps après la catastrophe où s’écroula pour jamais le peuple élu, est un document inesti­mable. L’homme est peu sympathique. Membre de cette aristocratie sacerdotale dont l’opportunisme s’accommodait fort bien du joug romain, c’est un vaniteux, un satisfait et son échine a trop de sou­plesse. Il nous a raconté sur lui-même force détails très édifiants qu’à treize ans, il était déjà si fort en théologie que les Rabbis de Jérusalem l’appe­laient en consultation; qu’à seize ans, exalté par la ferveur, il avait fui au désert, macérant son corps dans l’ascèse et se mettant à l’école de l’austère ermite Bannous[4]. En fait, bien vite, il alla à Rome, y noua d’utiles amitiés. Quand la suprême guerre des Juifs commença en 66, il y assura un commandement, mais de telle façon que certains l’accusent d’avoir contribué à la défaite… Il y a en particulier une histoire de place forte assiégée, de combattants décidant de s’entre-tuer pour ne pas tomber aux mains des légionnaires, de sort désignant Josèphe comme le dernier survi­vant et, pour finir, de reddition, qui a une odeur bien suspecte. Toujours est-il que ce général juif termina la guerre comme ami personnel de son vainqueur, à qui il avait prédit qu’il serait un jour empereur. Il ajouta le nom de son maître, Flavius, au sien propre, tout comme un esclave affranchi et, flagor­neur jusqu’à l’abject, n’hésita pas à écrire que le vrai Messie attendu par Israël était, incontestable­ment, Vespasien[5].

Il  ne faut pas perdre de vue les traits de ce carac­tère si l’on veut s’expliquer ce « silence de Josèphe » dont il a été tiré tant de commentaires. Ses Anti­quités parurent en 93. Qu’il ait connu le christianisme semble évident. Il a une vingtaine d’années vers 57; l’Église a déjà pris une place importante à Jéru­salem; quand Paul arrive dans la ville sainte, à cette date-là, sa présence détermine une émeute (Ac 12 et 26) et il est arrêté. Le futur historien n’a-t-il pas eu vent de cet épisode ? Quand Josèphe est à Rome, en 64, la persécution de Néron va commencer. Introduit dans les milieux influents par son ami l’acteur juif Alityrus[6], n’a-t-il rien entendu des discussions sur le Christ qui pas­sionnaient toute la communauté juive et même les sympathisants qu’Israël avait en haut lieu ?

Deux personnages contemporains de Jésus sont cités par Josèphe Jean-Baptiste dont il raconte la prédication et le supplice dans des termes parfaite­ment exacts ; et Jacques, dont il narre la lapidation et qu’il désigne ainsi « Le frère de Jésus, surnommé le Christ. » Mais, à s’en tenir aux textes indiscutés, il n’y a dans son oeuvre aucune autre allusion au Christ.

Le problème se complique du fait qu’au livre 15, chapitre 3 des Antiquités, on peut lire un passage singulier où Josèphe parle du Christ. « A cette époque parut Jésus, homme sage, s’il faut l’appeler homme. Car il accom­plit des choses merveilleuses, fut le maître de ceux qui reçoivent avec joie la vérité, et il entraîna beaucoup de Juifs et aussi beaucoup de Grecs. Celui-là était le Christ. Sur la dénonciation des premiers de notre nation, Pilate le condamna à la croix ; mais ses fidèles ne renoncèrent pas à leur amour pour lui ; car le troisième jour, il leur apparut, ressuscité, comme l’avaient annoncé les divins prophètes, ainsi que mille autres merveilles à son sujet. Encore aujourd’hui subsiste la secte qui, d’après lui, a reçu le nom de Chrétiens. » Il suffit de lire ce passage pour se convain­cre que si Josèphe l’a réellement écrit, il signe par là son adhésion au christianisme. Aussi, depuis des siècles, ces cinq lignes provoquent-elles de sévères discussions. Les uns font remarquer qu’elles rompent le fil du discours ; les autres ripos­tent que le style est exactement celui de Josèphe. On invoque Eusèbe[7], qui, au début du 4ème siècle, connaissait ce texte et l’acceptait ; mais l’adversaire répond que les premiers Pères de l’Église, Origène, par exemple, l’ignoraient et disaient même que Josèphe n’avait pas cru que Jésus fût le Messie.

Si l’on rejette ces dix lignes, le silence de Flavius Josèphe est impressionnant. Il est incontestablement voulu. Sans aller jusqu’à dire avec Pascal : « Joséphe cache la honte de sa nation … »[8], ni soutenir avec paradoxe que ce mutisme démontre l’existence de Jésus, car on ne hait que ce qui est, on peut, par ce que nous connaissons du personnage, deviner pourquoi il s’est tu. Il sait trop ce qu’il doit à sa carrière et à sa réputation !


Notes :

[1] Philon d’Alexandrie (vers -12 – vers +54) est un philosophe juif hellénisé né à Alexandrie. Les rares détails biographiques le concernant se trouvent dans ses propres œuvres, en particulier Legatio ad Caium (Ambassade chez Caligula) et chez Flavius Josèphe.

[2] Historien juif que nous ne connaissons que par un écrit rédigé expressément contre lui : l’Autobiographie (Vita) de son rival Flavius Josèphe. Juste, fils de Pistus, fut l’un des chefs du soulèvement galiléen contre les Romains durant la guerre juive de 66-70.

[3] Photios ou Photius, patriarche de Constantinople (858-867 puis 877-886), fut un érudit et un homme d’État byzantin, né vers 810, mort après 893. Les Latins l’ont longtemps décrit comme le principal responsable du schisme du IXe siècle.

[4] « Je connais sa réputation, c’est un ascète, un homme saint qui se contente pour vêtements de ce que lui offrent les arbres, se nourrit des produits de la terre, et par souci de pureté pratique des ablutions jour et nuit. » (Citation de « Un juif dans l’Empire romains » de Flavius Josephe)

[5] Vespasien (17 novembre 69 – 23 juin 79) est un empereur romain.

[6] L’acteur juif Alityrus fut le favori de Néron, et utilisé par Poppaea Sabina, la maîtresse puis la femme de Néron, pour demander l’extermination « de la secte des chrétiens ». C’est d’ailleurs certainement elle qui fut à l’origine de l’atroce persécution de l’an 64 qui aurait coûté la vie à Pierre et à Paul.

[7] Eusèbe Pamphile de Césarée (vers 265–339) est un évêque, un théologien et un historien de l’Église du début du IVe siècle.

[8] Pensées, 629

Pourquoi le silence des contemporains de Jésus ?

Si, à tout instant, la vie du Christ pose à qui l’étudie l’énigme de la nature divine transfigurant le carac­tère humain, il n’en est pas moins permis de la consi­dérer comme on ferait de tout personnage historique, puisque le fait même de cette vie est le témoignage premier de la Révélation. Mais comment connaissons-nous l’homme que fut Jésus ? On a trop souvent majoré les difficultés qu’opposent à notre documentation les diverses sources, et trop de chrétiens, leurrés par les assertions d’une critique prétendue « libre », ne mesu­rent pas assez la solidité des bases sur lesquelles s’édifie leur foi.

Le cadre où a vécu Jésus est éminemment histo­rique ; les textes ne le situent pas dans un temps légendaire, aux horizons d’un passé nébuleux, comme font les traditions touchant Orphée[1], Osiris[2] ou Mithra[3]. L’Empire romain du 1er siècle nous est connu avec une précision remarquable. Durant la vie terrestre de Jésus, de grands écrivains dont nous possédons l’œuvre ont produit des ouvrages : Tite-Live[4], Sénè­que[5]. Quant à Virgile[6], s’il n’était pas mort à cinquante et un ans, aurait pu le voir enfant. D’autres, Plu­tarque[7], Tacite[8], sont de la génération qui suit immé­diatement la sienne.

Mieux : un très grand nombre de personnages que mettent en scène les récits concernant Jésus sont éclairés par d’autres documents d’histoire. Ceux, par exemple, que cite Luc[9] dans son évangile au début du chapitre 3 : Tibère, Ponce Pilate, Hérode, Philippe, les grands prêtres Anne et Caïphe, et Jean Baptiste, dont Flavius Josèphe a rapporté l’apostolat et la mort. Et ce n’est pas tout ; les mœurs, les habitudes, tout cet ensemble de compor­tements qui date si bien une existence humaine sont, pour ce qui le regarde, exactement semblables a celles que nous pouvons observer en étudiant ses contemporains.

Voilà donc un homme dont l’action se situe dans un milieu politique et social parfaitement étudié. Serait-il possible que tous les récits le concernant, s’ils étaient mythiques, fussent exacts quant au cadre ? Il faudrait supposer que les évangélistes et les apôtres étaient tous des spécialistes du roman historique, et que, partant de documents d’ailleurs différents, ils ont pu reconstituer une figure qui, à travers toute leur oeuvre, conserve une parfaite unité.

Pourtant, ici apparaît un écueil. Les grands contem­porains de Jésus ont-ils parlé de lui ? Non. La chose n’a rien de surprenant, si l’on replace dans ses justes perspectives un événement qui nous paraît immense par les conséquences qu’il eut. Nous avons peine à admettre que la vie, l’enseignement et la mort du Christ n’aient pas eu un retentissement tel que les bases du monde en dussent être, à l’heure même, ébranlées. En fait, cette histoire n’eut pas plus d’importance pour le citoyen de Rome vivant sous Tibère, qu’en aurait pour nous l’apparition de quelque obscur prophète à Madagascar ou à la Réunion.

Les pièces officielles de l’administration romaine gardent-elles trace de son existence ? On conservait à Rome deux sortes d’archives les « Acta senatus », comptes rendus des séances sénatoriales, et les « Commentarii principis » où étaient rassemblées toutes les correspondances envoyées au « Prince » età l’empe­reur. Nul résumé d’une délibération concernant le christianisme au Sénat. Y eut-il un rapport adressé à Tibère par Ponce Pilate sur l’affaire Jésus ? C’est pro­bable, mais nous ne l’avons pas. Justin, le martyr, écrivant vers 150 une « Apologie du Chris­tianisme » qu’il adresse à l’empereur Antonin le Pieux et à son fils Marc-Aurèle[10], fait allusion à ces « Actes de Pilate », sans que, d’après son texte, on puisse comprendre s’il les a connus, ou s’il les a supposés ; la seconde hypothèse semble plus vraisemblable, Tacite nous disant que les archives impériales étaient secrètes et que nul n’était admis à les consulter. Cinquante ans plus tard, Tertullien[11], le polémiste africain, considère que la phrase de Justin vaut affirmation et déclare que le jugement et la mort de Jésus avaient été rapportés par Pilate à Tibère. Au 4ème siècle, de pieux faussaires, comme il y en eut bon nombre, inventeront ce document, mais, se trompant, mettront le nom de l’empereur Claude à la place de celui de Tibère[12].

Le silence des pièces officielles est-il total ? A l’automne de l’année 111, arrivait dans les provinces de Bithynie[13] et de Pont[14], situées le long de la Mer Noire, avec le titre de légat impérial, un homme de lettres : Pline le Jeune[15]. Une grande partie de son oeuvre littéraire tenant, précisément, dans sa correspondance il garda soigneusement copie des rapports qu’il adressa à son empereur, Trajan[16] ; ainsi le secret des archives impériales fut-il, sur ce point, ouvert à la postérité. C’est un homme sérieux, intelligent, que Pline ; un écrivain ferme, pittoresque, parfois un peu précieux, et un administrateur minu­tieux. Au cours de l’année 112, il envoie à Trajan une lettre détaillée à propos des chrétiens. Il a reçu des dénonciations, il a fait arrêter des membres de la secte. Poussée jusqu’à la torture, en particulier dans le cas de deux « diaconesses », l’enquête n’a rien révélé de coupable : ces gens se réunissent, chantent des hymnes au Christ, s’engagent par ser­ment à n’être ni voleurs, ni menteurs, ni adultères. Aucun mal à cela. Mais les prêtres des dieux se plaignent les temples sont désertés ; les marchands de viande pour les sacrifices ne font plus d’affaires. Quelle conduite le magistrat romain doit-il tenir ? De cette lettre (et de la réponse de Trajan), ce qui apparaît, c’est qu’en ce temps, le Christianisme existait déjà solidement sur le sol d’Asie Mineure, que les Chrétiens d’alors savaient tous qu’ils descendaient du Christ et qu’ils le tenaient pour Dieu[17].

Un peu plus tard, un rescrit de l’empereur Hadrien adressé en l’an 125 au proconsul d’Asie, Minucius Fundanus, confirme le témoignage de Pline. Le prédé­cesseur de Minucius a signalé des abus à l’occasion de divers procès antichrétiens accusations qui provoquent des troubles, dénonciations bassement inté­ressées. Hadrien, empereur sage, décide que les accusateurs devront se présenter eux-mêmes et, s’ils ont accusé calomnieusement, ils seront punis.

Mais 112, 125, ces deux dates sont assez tardives, postérieures de quatre-vingts et quatre-vingt-dix ans à la mort de Jésus. Aucun texte ne donne-t-il des précisions se rapportant à une époque plus proche de l’événement ? Le plus important est de Tacite, c’est-à-dire de l’historien latin sans doute le plus solide, chez qui la sensibilité et l’imagination, pourtant vives, ne font pas entrave à une volonté critique rare en son temps, à une grande honnêteté dans la recherche du document. Tacite, qui écrit ses Annales vers 116, nous parle des Chrétiens à propos de l’incendie de Rome, en 64 « Une rumeur flétrissante attribuait à Néron l’ordre de mettre le feu. Pour y couper court, il supposa des coupables et livra aux tortures les plus raffinées ces hommes détestés pour leurs forfaits que le peuple appelait Chrétiens. Ce nom leur vient du Christ qui, sous le règne de Tibère, fut condamne au supplice par le procurateur Ponce Pilate. Cette secte pernicieuse, réprimée d’abord, se répandait à nouveau non seulement dans la Judée où elle avait pris sa source, mais dans la Ville elle-même… »

Il raconte ensuite les horribles tortures infligées aux Chrétiens et, fort humainement, s’en indigne, mais tout le passage montre qu’il ne connaissait les Chrétiens que par ouï-dire et professait sur eux l’opinion commune. Cette hostilité même rend plus précieuse l’exactitude des deux lignes où il parle du Christ. D’où tenait-il sa documentation touchant Jésus ? Parmi ses sources, Tacite utilise souvent les Histoires de Pline l’Ancien[18], le naturaliste, le philo­sophe, celui-là même qui mourut en 79 pour avoir voulu observer de trop près l’éruption du Vésuve qui ensevelit Pompéi ; Pline l’Ancien, en effet, avait fait partie de l’état-major de Titus lors de la Guerre juive, en 70 ; par son canal et celui de Tacite, ce serait donc une tradition directe, locale, qui serait venue jusqu’à nous.

Un autre historien, contemporain de Tacite, Sué­tone, lui aussi fort habile à utiliser les sources, nomme à deux reprises les Chrétiens dans ses « Vies des Douze Césars » ; dans un passage il confirme les persé­cutions de Néron ; dans un autre il dit que Claude « expulsa de Rome les Juifs, devenus, sous l’impulsion de Chrestus, une cause permanente de désordres ». Le fait de cette persécution est confirmé par Paul dans les Actes des Apôtres. En 52, il rencontra à Corinthe un ménage juif qui avait été ainsi chassé de Rome. Il est assurément très dommage que Suétone ne nous ait rien dit de Jésus à propos de Tibère, mais sa phrase suffit à prouver qu’aux environs de 50, c’est-à-dire moins de vingt ans après la mort du Christ, il y avait à Rome des Chrétiens qui n’hésitaient pas à témoigner de leur foi parmi la communauté juive locale.

A s’en tenir donc aux seuls documents romains, il n’est pas rigoureusement démontrable que le Christ a bien existé, qu’il a été condamné et crucifié sous Ponce Pilate, mais cela paraît hautement probable, et, en tout cas, admis par beaucoup de gens peu de temps après sa mort. Au reste, un dernier témoi­gnage peut être relevé, celui des adversaires. Le terme de chrétien a été, à l’origine, un sobriquet, donné par les païens d’Antioche aux zélateurs du Christ d’où serait-il venu si l’on avait admis que le Christ n’avait pas existé ? Un des polémistes anti­chrétiens du 2nd siècle, Celse[19], dont les attaques étaient si violentes que de grands chrétiens, comme Origène[20], chercheront à les réfuter[21], ne met jamais en doute l’histoire de Jésus telle que nous la connaissons. Il lui eût été facile de dire « Votre Christ, il n’a jamais existé! » Le fait est qu’il ne le dit pas.


Note :

[1] Orphée est un héros légendaire de la mythologie grecque, fils du roi de Thrace Œagre et de la muse Calliope. Il est le fondateur mythique d’un mouvement religieux appelé orphisme.

[2] Osiris est un dieu égyptien, père de Horus, un antéchrist.

[3] Mithra (parfois écrit Mitra) est le dieu de la fécondité issu du zoroastrisme persan. Voir « 42 Lc 021-008 002 Les AntéChrist »

[4] Tite-Live (Titus Livius en latin), né en 59 avant J.-C. et décédé en 17 ap. J.-C. dans sa ville natale de Padoue est un historien de la Rome antique.

[5] Sénèque (en latin Lucius Annaeus Seneca) est né vers 4 av. J.-C. et mort le 12 avril 65 ap. J.-C. Il fut un philosophe de l’école stoïcienne, un dramaturge et un homme d’État romain du Ier siècle de l’ère chrétienne.

[6] Virgile, en latin Publius Vergilius Maro (Andes, 15 octobre 70 – 27 septembre 19 av. J.-C.), est un poète et écrivain romain.

[7] Plutarque, né à Chéronée en Béotie vers 46 ap. J.-C., mort au même endroit en 125, est un biographe et moraliste de la Grèce antique.

[8] Tacite (en latin Publius Cornelius Tacitus) est un historien et un philosophe romain né en 55 et mort vers 120 ap. J.-C.

[9] Un seul, Lysanlas, tétrarque d’Abilène, cité par saint Luc, nous est mal connu, bien que deux inscriptions récemment découvertes confirment son existence.

[10] Marc Aurèle est un empereur romain (161-180) et un philosophe stoïcien, né le 26 avril 121 à Rome, mort le 17 mars 180.

[11] Quintus Septimus Florens Tertullianus, dit Tertullien, né entre 150 et 160 à Carthage (actuelle Tunisie) et décédé vers 230-240 à Carthage, est un écrivain de langue latine issu d’une famille berbère païenne. Il se convertit au christianisme à la fin du IIe siècle et devient la figure emblématique de la communauté chrétienne de Carthage. Théologien, père de l’Église, auteur prolifique, son influence sera grande dans l’Occident chrétien. Il est pourtant un personnage très controversé car d’une part, il lutte activement contre les cultes païens et est considéré comme le plus grand théologien chrétien de son temps (on lui doit le terme de trinité) et, d’autre part, il rejoint le mouvement hérétique montaniste à la fin de sa vie. (Le montanisme est un mouvement chrétien qui refusait les règles de l’Eglise au 2ème siècle,  fondé par le prophète Montanus en Phrygie, région de la Turquie actuelle. Il fut rapidement considéré comme une secte.

[12] L’Histoire de la Ville de Vienne, par M. Mermet Aîné (1828), contient « une histoire inédite de la Ville de Vienne sous les douze Césars, que j’ai (ou l’auteur) traduite et annotée… » (p. 9). Cette histoire adressée à C. Pline Coecilio Secundo par son auteur « Trebonius Rufinus, sénateur, et ancien ministre de ladite ville », daterait de 109 ou 110. On y lit au livre 6, chapitre 7 (p. 281) : « Cependant on affirme que Tibère proposa au Sénat d’admettre le Christ au rang des dieux; mais, l’affaire ayant été examinée avec soin, on resta Convaincu qu’il serait dangereux d’admettre un culte dont la base était une égalité absolue parmi les hommes. D’ailleurs il paraissait inconvenant de déifier un individu puni du supplice des esclaves, du consentement d’un procurateur romain. » Suivent quelques lignes sur la persécution de Néron. Dans un passage, d’ailleurs assez ambigu, Eusèbe (vers 325) indique nettement que Tibère s’intéressa aux croyances chrétiennes.

[13] La Bithynie est un ancien royaume au nord-ouest de l’Asie Mineure, actuellement situé en Turquie.

[14] Le Pont est un royaume antique situé sur la côte méridionale de la Mer Noire. Aujourd’hui, cette région se trouve en Turquie.

[15] Pline le Jeune (en latin Caius Plinius Caecilius Secundus) est un écrivain et homme politique romain né en 61 à Côme dans le nord de la péninsule italienne et mort vers 114, sûrement dans la région de Bithynie.

[16] Trajan est un empereur romain né probablement le 18  septembre 53 à Italica en Bétique (Espagne actuelle) et mort le 7  août 117 à Seliki (Cilicie). C’est durant son règne que l’Empire Romain a eu la plus grande surface territoriale.

[17] On s’est demandé parfois pourquoi Pline, qui avait été préteur à Rome, c’est-à-dire chef de la justice, éprouvait-il le besoin de poser tant de questions à propos des Chrétiens ? Il avait dû en voir maints à Rome. Il semble que sa lettre signifie surtout que, les ayant mieux étudiés en Asie Mineure, il ne partageait plus les idées odieuses qui avaient cours dans la ville de Rome à l’endroit de la secte chrétienne…

[18] Pline l’Ancien (en latin Caius Plinius Secundus) est un important auteur et naturaliste romain, auteur notamment d’une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle. Il est né en 23 après J.-C. à Novum Comum (l’actuelle Côme) et mort en 79 à Stabies (Stabia en latin), près de Pompéi, lors de l’éruption du Vésuve. Il adopte son neveu qui prend le nom de Gaius Plinius Caecilius Secundus (Pline le Jeune) en 79 après J.-C.

[19] Celse, philosophe épicurien grec du 2nd siècle, est l’auteur d’un ouvrage analytique et articulé, Discours véritable (parfois appelé le Discours contre les chrétiens) rédigé vers 178. Il s’agissait d’un ouvrage où il attaquait le Christianisme naissant par les armes du raisonnement et du ridicule.

[20] Origène est un Père de l’Église, né à Alexandrie vers 185 et mort à Tyr vers 253.

[21] Le texte original du Discours véritable de Celse (l’un des plus anciens ouvrages de critique contre le christianisme) a été perdu et nous est parvenu par les extraits étendus cités par son plus grand contradicteur, Origène, dans son ouvrage La Réfutation.

Jésus par son nom

Dans la Bible, le nom a toujours une signification profonde car il est le reflet de celui qui le porte : un des fils de Noé s’appelait shem, mot qui signifie « nom » (Gn 5 : 32). C’est de lui que sont issus les Shémites ou Sémites c’est-à-dire « les porteurs du nom » de l’Eternel !

 

Un nom exprime donc prophétiquement l’essence, le parfum, la personnalité cachée de celui qui le porte au point que parfois le nom de la personne change :

  • Abram, père haut et élevé devient Abraham, père d’une multitude de nations ;
  • Jacob signifie supplanteur, rusé, trompeur, après sa transformation, il s’appellera Israël, vainqueur pour ou avec Dieu.

 

Il n’y a rien de surprenant que le nom de Jésus ait été donné par Dieu Lui-même via l’ange annonciateur de la future maternité de Marie : « Tu enfanteras un fils et tu Lui donneras le nom de Jésus, Il sera grand, sera appelé Fils du Très Haut et le Seigneur Dieu Lui donnera le trône de David son père (Lc 1 : 31 à 32). Joseph le fiancé de Marie apprit aussi dans un songe quelle était la volonté de Dieu et le nom de Jésus lui fut aussi précisé : « Elle enfantera un fils et tu Lui donneras le nom de Jésus, c’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés »  (Mt 1 : 21). C’est un nom qui réellement n’est pas comme les autres par sa portée prophétique : dans le nom de Jésus, il y a le parfum et l’essence même de Dieu ! Le prophète Esaïe, sous l’inspiration divine n’avait-il pas dit : « Un enfant nous est né, un fils nous est donné et la domination reposera sur Son épaule, on L’appellera Admirable, Conseiller, Dieu Puissant, Père Eternel, Prince de la paix (Es 9 : 5). Des attributs divins que nul autre que Lui n’a jamais portés. En effet, dans la personne de Jésus, c’est Dieu Lui-même qui vient sauver l’être humain de ses péchés !

En hébreu, Jésus se dit  Yéshoua. Ce nom est la contraction de deux mots : Yé, racine du nom de l’Eternel et Shoua, du verbe yasha’ qui signifie secours, délivrance, salut, victoire, triomphe, aide, assistance, sauvetage, affranchissement, bonheur (ou être heureux).

 

Considérant ces qualificatifs dans le ministère messianique de Yéshoua, le Messie que les nations appellent Jésus, Il est, selon l’étymologie de son nom, « Dieu qui sauve et délivre ».

 

La racine du nom de Jésus, Yéshoua, signifie :

 

  • Secours: Nombreux sont ceux qui ont été secourus dans leur détresse par Jésus. Marie, sa mère a prophétiquement dit à Sa naissance : « Il a secouru Israël son serviteur et s’est souvenu de sa miséricorde » (Lc 1 : 54) comme il est écrit « je (l’Eternel) porterai secours à mes brebis afin qu’elles ne soient plus au pillage » (Ez 34 : 22).

 

  • Délivrance, affranchissement : c’est-à-dire, rendre libre quelqu’un en l’arrachant à son esclavage. Jésus n’a pas cessé de le faire tout au long de son ministère et le fait encore aujourd’hui. « Quiconque se livre au péché est esclave du péché, si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libre » (Jn 8 : 34 à 36).

 

  • Salut :  C’est-à-dire sauver celui qui est perdu. Il s’agit du point central du ministère de Jésus et la raison de sa venue sur terre ! A sa naissance, déjà, un vieil homme nommé Siméon disait prophétiquement en tenant l’enfant dans ses bras : « Mes yeux ont vu ton salut (Yéshoua), salut (Yéshoua) que tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire d’Israël ton peuple » (Lc 2 : 30). Plus tard, au cours de son ministère Jésus dit à Zachée qu’Il rencontre à Jéricho, caché dans un arbre : « Le salut (Yéshoua) est entré dans ta maison car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19 : 10). A Golgotha, en mourant crucifié, Jésus-Christ donnait son sang pour sauver les humains perdus dans leur péché, Il faisait l’expiation à leur place afin que s’accomplisse ce que le prophète Esaïe avait dit : « Il a livré sa vie en sacrifice pour le péché » (Es 53 : 10).

 

  • Victoire, triomphe : C’est-à-dire, abattre un ennemi et en triompher. « Il a dépouillé les dominations et les autorités et les a livrées publiquement en spectacle en triomphant d’elles par la croix » (Col 2 : 15).

 

  • Aide, assistance : C’est-à-dire un soutien et un appui sur lesquels on peut compter, un fondement solide sur lequel on peut s’appuyer sans danger. « J’ai mis pour fondement en Sion une pierre éprouvée, une pierre angulaire de prix, solidement posée et celui qui la prendra pour appui n’aura point hâte de fuir » (Es 28 : 16).

 

  • Sauvetage : avec la pensée du sauveteur qui vient au secours de quelqu’un en danger. Non seulement Jésus offre le salut mais Il vient aider à saisir le salut à ceux qui le Lui demande, comme l’a fait un homme qui demandait une guérison pour son fils : « le père de l’enfant s’écria : Je crois ! viens au secours de mon incrédulité ! » (Mc 9 : 24). « Quand un malheureux crie, l’Eternel entend, Et il le sauve ( yasha’) de toutes ses détresses » (Ps 34 : 6). Le verbe crier est la traduction de qara’ qui signifie « appeler par le nom ».

 

  • Bonheur ou félicité : C’est-à-dire, être heureux. Le Roi David posait cette interrogation douloureuse dans les Psaumes : « Qui nous fera voir le bonheur ? » (Ps 4 : 7) Une seule réponse : c’est Yéshoua le Messie appelé par les nations Jésus ; Lui donne le vrai bonheur. « Car Dieu ne nous a pas destinés à la colère mais à l’acquisition du salut par notre Seigneur Jésus–Christ » (1 Th 5 : 9). Un fils d’Israël appelé Paul (ou Saul de Tarse) pouvait dire au tribunal devant le roi Agrippa : « Je m’estime heureux » (Ac 26 : 2) tout simplement parce que le Messie avait transformé sa vie en lui donnant le bonheur et la félicité, c’est-à-dire, la paix du cœur et de l’âme.

 

Au sujet du ministère messianique de Jésus, le psalmiste écrivit « Tous les rois se prosterneront devant Lui, toutes les nations Le serviront » puis ajoute « car Il délivrera le pauvre qui crie et le malheureux qui n’a point d’aide, Il aura pitié du misérable et de l’indigent et Il sauvera la vie des pauvres, Il les affranchira de l’oppression et de la violence et leur sang aura du prix à ses yeux » (Psaume 72 : 11 à 14). Enfin, toute l’Ecriture souligne que Yéshoua le Messie est Dieu Lui-même qui sauve : « Il n’y a pas d’autre Dieu que moi, je suis le seul Dieu juste et qui sauve » (Es 45 : 21). « Qui sauve » est la traduction du verbe yasha’ mais dans sa conjugaison on retrouve le mot mashiah, messie[1] ; on peut donc traduire la fin du verset ainsi : « je suis le seul Dieu juste et (le) Messie ».

 

Dans le service du culte divin, le peuple d’Israël employait une huile appelée shemen pour le chandelier, pour l’huile d’onction et pour le parfum (Ex 25 : 6). Le chandelier était la Menorah, chandelier à 7 branches[2]. Le mot hébreu « menorah » se traduit littéralement par « de la flamme » ou « provenant de la flamme »… Et le nom de Jésus, lumière du monde (Es 42 : 6[3], 49 : 6 et Lc 2 : 30 à 32[4]), Yeshoua’ possède 7 « épis », ou 7 flammes. Il coïncide avec les 7 lumières de la menorah, les sept esprits devant le trône de Dieu : « Devant le trône brûlent sept lampes ardentes, qui sont les sept esprits de Dieu » (Ap 4 : 5 ; voir aussi Ap 1 : 4, 3 : 1 et 5 : 6)…

+

= 

 

Ainsi, Dieu se déclare Messie et le prophète ajoute au nom du Seigneur : « Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre ! Car je suis Dieu et il n’y en a point d’autre ! » (Es 45 : 22).

 

« Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4 : 12)

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Notes :

[1] Le texte massorétique retranscrit mashiah. En hébreu, le texte du Tanakh (acronyme hébreu désignant la Bible hébraïque, formée de trois parties : La Torah, la Loi, en Cinq Livres appelé aussi Pentateuque ; les Nevi’im, les Prophètes ; les Ketouvim, les Écrits ou Hagiographes) est le texte massorétique. Il approuvé pour la pratique du judaïsme. Il est également amplement utilisé dans les traductions de l’Ancien Testament de la Bible. A l’origine le texte massorétique fut compilé, publié et distribué par un groupe de Juifs appelés les Massorètes, entre les 7ème et 10ème siècles. Le texte massorétique contient de nombreuses différences par rapport aux sources plus anciennes telles que la Septante, à la fois de petite et de grande importance. Le mot hébreu mesorah renvoie à la transmission d’une tradition. En réalité, il peut également désigner de manière plus générale l’ensemble de la tradition judaïque. Mais vis-à-vis du texte massorétique, le mot mesorah a une signification très précise : il désigne les annotations en marge des manuscrits (puis des livres imprimés) de la Bible hébraïque et qui renseignent sur des détails textuels, tels que la prononciation exacte des mots. Les plus vieux manuscrits connus contenant des extraits substantiels du texte massorétique remontent approximativement au 9ème siècle et le codex d’Aleppo (peut-être la toute première copie complète du texte massorétique dans un manuscrit) date du 10ème siècle.

[2] A ne pas confondre avec la « HanouKiath », chandelier à huit branches plus une pour l’allumage, qui est le rappel de la victoire de Juda Macchabée sur Antiochus Epiphane en 165 avant JC dans la tradition juive

[3] « Moi, l’Eternel, je t’ai appelé pour le salut, Et je te prendrai par la main, Je te garderai, et je t’établirai pour traiter alliance avec le peuple, Pour être la lumière des nations… »

[4] « Car mes yeux ont vu ton salut, salut que tu as préparé devant tous les peuples, Lumière pour éclairer les nations, Et gloire d’Israël, ton peuple. »

Jésus et les manuscrits de la mer morte

Le Judaïsme officiel étant muet, tant celui des Pharisiens que celui des Saducéens, aura-t-on plus de chance avec les mouvements religieux et les sectes qui, à l’époque du Christ, se rencontrent en Judée ?

Les Zéloles : on ne connaît aucun texte. Professionnels du poignard, ils se souciaient moins de théologie que de politique, s’opposaient aux pouvoirs établis qu’ils tenaient pour trop faibles et n’hésitaient pas à tuer sans mot ceux qu’ils jugeaient traîtres à la cause de la liberté d’Israël. En ce cas, furent-ils d’accord avec les Princes des prêtres pour condamner un personnage assez fou pour prêcher l’amour des ennemis et la fraternité universelle ? Ils n’ont pas laissé le moindre document sur ce point, pas plus que sur d’autres.

Les Esséniens : Ceux-ci, jusqu’à une date récente, nous sont connus, non par des textes juifs officiels mais par les écrivains Philon d’Alexandrie[1], Pline l’Ancien[2] et Flavius Josè­phe. Selon ces témoignages, les Esséniens étaient des sortes de moines, vivant en retrait du monde une existence de prière et d’ascèse, « sans femme et sans argent, dans la seule société des palmiers », travaillant pour assurer leur subsistance. Ils étaient organisés selon une hiérarchie stricte. Depuis longtemps on se posait des questions à propos de ces moines mysté­rieux vêtus de blanc, pratiquant la mise en commun intégrale des biens, multipliant les ablutions et les observances ; La communauté principale était à En Guédi[3], près de la Mer Morte.

Or, depuis mars 1947, dans la région même d’En Guédi, au nord-ouest de la Mer Morte, des découvertes sensationnelles ont été faites. Dans une, puis dans plusieurs grottes de la falaise par laquelle la Judée se termine en abrupt sur la Mer maudite, des manuscrits sont trouvés, tous religieux, un grand nombre de textes bibliques, les autres exposant la doctrine et la règle d’une secte juive qui s’appelait elle-même « Commu­nauté de la Nouvelle Alliance ». Peu après, les Pères Dominicains français, de l’École Biblique de Jérusa­lem, fouillant d’autres ruines pro­ches des grottes aux trouvailles, en un lieu dit Khirbet Qûmran, révélèrent qu’il s’agissait du couvent où avaient vécu les adeptes de la Nouvelle Alliance ; salles de réunion, « scriptorium », piscines, magasins ; rien ne manquait pour que la description de ces ruines fût celle d’un monastère. Le rapprochement avec les Esséniens s’imposa donc aux esprits, et se fit de plus en plus persuasif à mesure que les textes des rouleaux découverts furent publiés.

Tout ce que l’on savait des Esséniens, de leur mode de vie, de leur doctrine se trouvait confirmé. Leur origine, demeurée mystérieuse, pou­vait être mise en relation avec ces Hassidim qui s’étaient écartés du reste de la Communauté à l’époque de la domination hellénistique pour ne pas obéir aux Grands Prêtres Asmonéens, suspects à leurs yeux de trop de complaisance à l’égard des Grecs. D’après les textes découverts, on pouvait dire que, vers 65 avant notre ère, la secte était entrée en conflit violent avec les chefs officiels d’Israël et que son supérieur, dit « le Maître de Jus­tice », fut mis à mort. Fuyant un temps les  solitudes de la Mer Morte, les disciples de la Nouvelle Alliance se réfugièrent quelque temps en Syrie[4] pour revenir se fixer au Khir­bet Qûmran, une fois la domination romaine installée en Judée, probablement vers 4 avant J.-C.

La Communauté resta alors dans son monastère environ trois quarts de siècle, connaissant certaine­ment un rayonnement dans tout le monde juif. On a retrouvé près de Qûmran un vaste cimetière où des gens pieux, même des femmes furent inhumés à côté des ascètes. Mais au cours de la « Guerre Juive » en 68 de notre ère, où Titus[5] réprima rudement la révolte de la Judée la 10ème légion opéra dans cette région de la Mer Morte. Les moines esséniens s’enfuirent, en ayant pris soin de cacher dans des grottes inaccessibles leurs précieux trésors, leurs livres sacrés, avec l’espoir de les retrouver un jour…

Les Esséniens, ou si l’on préfère les zélateurs de la Nouvelle Alliance, sont donc installés près de la Mer Morte au moment où Jésus paraît et s’engage dans Sa mission. Leurs textes les plus récents se situent entre -4 et +68. Parlent-ils de Jésus ? Non. Aucun document n’est trouvé dans les Manuscrits de la Mer Morte où il est fait mention du fils de Marie. Cela paraît étonnant si l’on sait que le rapproche­ment entre Essénisme et Christianisme s’est fait depuis longtemps. Dans une lettre à d’Alembert[6], le 17 octobre 1770, Frédéric Il de Prusse[7] écrivait « Jésus était propre­ment un Essénien ; il était imbu de la morale des Essé­niens, qui tient beaucoup de celle de Zénon[8] », ce qui était fort aventuré. Plus prudent, Renan, sans admettre de « commerce direct » entre Jésus et la secte essénienne, disait que « le Christianisme est un essé­nisme qui a largement réussi ». En tout cas les moines de la Nouvelle Alliance n’ont pas fait ce rapprochement.

Il ne semble pas davantage qu’ils aient prêté attention à d’autres rapprochements sur lesquels les historiens et exégètes modernes discutent encore. Par exem­ple, entre Jean Baptiste et les plus ardents des membres de la secte qui, refusant même la vie com­mune, fuyaient toute présence humaine dans le désert ou dans quelque anfractuosité de la falaise. Non plus qu’ils aient su ce qui se passait au gué de Bethabara[9], sur le Jourdain, où Jean Baptiste baptisait procédant à ce qui pouvait paraître des cérémonies d’ablutions analogues aux leurs. Et bien entendu, rien n’indi­que dans leurs textes qu’ils aient identifié Jésus le Nazaréen à l’un de leurs « Maîtres de Justice », selon une hypothèse que certaines cri­tiques ont avancée complaisamment.

Le silence des Manuscrits de la Mer Morte n’a rien de surprenant. Les Esséniens et les Moines de Qûmran appartenaient certainement à la caste sacerdotale juive, eux-mêmes l’écrivent dans leurs textes, se désignant comme fils de Sa­doc[10], ou encore descendants de Lévi et d’Aaron. Même sépa­rés du sacerdoce officiel, ils en gardaient les habitudes de pensée, les préjugés, un mépris tacite des « ignorants » et dont Jésus et ses disciples étaient tout proches. Pour ces austères ascètes, enfermés dans un légalisme plus strict que celui des Pharisiens, quelle importance pouvait avoir l’aventure d’un charpentier, flanqué de quelques pêcheurs du lac de Galilée, qui venait se faire prendre à Jérusalem et crucifier comme un bandit vulgaire ? Les pieux de Qûmran n’avaient jamais perdu leur temps ni leur encre à raconter des événements historiques, tout occupés qu’ils étaient des seules choses religieuses, ils n’allaient pas commencer à parler d’un si piètre sujet !

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Notes

[1] Philon d’Alexandrie (vers -12 – vers +54) est un philosophe juif hellénisé né à Alexandrie. Les rares détails biographiques le concernant se trouvent dans ses propres œuvres, en particulier Legatio ad Caium (Ambassade chez Caligula) et chez Flavius Josèphe.

[2] Pline l’Ancien est un auteur et naturaliste romain, auteur notamment d’une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle. Il est né en 23 après J.-C. à Novum Comum (l’actuelle Côme) et mort en 79 à Stabies (Stabia en latin), près de Pompéi, lors de l’éruption du Vésuve. Il adopte son neveu qui prend le nom de Gaius Plinius Caecilius Secundus (Pline le Jeune) en 79 après J.-C.

[3] En-Guédi est une ville remarquable : elle se trouve dans un désert. Lors du partage du pays de la promesse elle a été donnée en héritage à la tribu royale, la tribu de Juda (Jos 45 : 62). C’est dans cette ville que David, le roi rejeté, a trouvé des lieux forts où il s’est réfugié lorsqu’il était poursuivi par Saül (1 Sm 24 : 1 et 2). C’est aussi à En-Guédi que se réunirent les rois qui s’étaient ligués contre le roi Josaphat (2 Ch 22 : 2).

[4] D’où provient le curieux Écrit de Damas trouvé en 1896 dans une synagogue du Caire, et dont la ressemblance avec les Manuscrits de la Mer Morte ne fait aucun doute.

[5] Voir « 17 Est 003-010 001 Hip hip hip hourra »

[6] Jean le Rond d’Alembert, né le 16 novembre 1717 à Paris où il est mort le 29 octobre 1783, est un mathématicien et philosophe français. Il est célèbre pour avoir donné naissance à l’Encyclopédie avec Denis Diderot.

[7] Frédéric II de Prusse, dit Frédéric le Grand (24 janvier 1712, Berlin – 17 août 1786, Potsdam) fut le troisième roi de Prusse (1740-1772). Après avoir un temps fréquenté Voltaire, il devient célèbre pour être l’un des porteurs de l’idéal du prince du siècle des Lumières en tant que « despote éclairé ».

[8] Il parlait de Zénon de Citium, v.-335, mort à Athènes v.-262/-261, philosophe, fondateur du stoïcisme, ou de Zénon d’Élée, né vers -495, mort vers -430, philosophe grec, surnommé par Platon le Palamède d’Elée, inventeur de la dialectique (art du discours bref).

[9] Jean 1 : 28 « Ces choses se passèrent à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait. » Béthanie est la traduction de Bhyabara Bethabara, qui signifie le lieu du passage, voir « 23 Es 040-003 001 L’importance de la voix qui crie dans le désert »

[10] Prêtre du temps de Salomon.

J.C. pour les croyants des 1er siècles

Le témoignage de la Bible seule est suffisant pour établir la divinité de Jésus-Christ. Mais si nous mentionnons quelques autres documents datant des premiers siècles, c’est pour démontrer que la foi des premiers chrétiens avait effectivement pour objet Christ, Dieu incarné, et cela bien avant toute formulation dogmatique.

Nous n’insisterons pas sur les évangiles apocryphes tout imprégnés de merveilleux, mais demeurant le fruit d’imaginations incontrôlées. Cependant, eux aussi affirment explicitement la divinité de Christ. Les écrits auxquels nous nous adresserons seront des écrits religieux, mais qui n’ont pas été écrits dans un souci apologétique. Ils traduisent tout simplement la foi de l’Eglise primitive. Ce n’est qu’à l’époque de Sabellius[1] et de Samosate[2] (vers 275), puis d’Arius[3] que les écrits sur la divinité du Christ (Athanase[4] 295 à 373) deviennent apologéti­ques[5].

Non seulement les historiens, mais aussi les croyants proclament la divinité du Christ, et cela bien avant la formulation de la doctrine trinitaire.

Voici quelques déclarations de croyants :

Il serait utile d’explorer tous les textes de l’Eglise primitive. Ils ne feraient que confirmer ce que ces quelques citations affirment.

  1. La Didaché

La Didaché (ou doctrine des douze apôtres) date du 1er ou du 2nd siècle. Certains la datent des années 70 à 90, d’autres des années 120 à 160, voire 200. Cet ouvrage s’occupe de morale, de discipline et de liturgie, et ne contient aucun exposé doctrinal. Mais on y retrouve la formule baptismale trinitaire de Matthieu 28 :19 (VII. 1-4). D’autre part, en parlant du retour du Christ, la Didaché (XVI. 7) cite Zacharie 14 : 5, qui parle de l’avènement de l’Eternel.

  1. L’épître de Barnabé

 Cette épitre daterait des années 96 à 98 ou 117 à118. Comme le Nouveau Testament, l’épître de Barnabé accorde au Fils tous les attributs de la divinité : la création (V. 5; VI. 12; XII. 7), l’inspiration des prophètes (V. 6), le jugement à venir (VII. 2), la résurrection (V. 5-7). Le Christ y est dépeint comme le Seigneur, auteur de l’Ecriture, et manifesté dans la chair (V. 6, 10, 12). Pour l’épître de Barnabé, le « faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance » de Genèse 1 : 26, est bien un dialogue entre le Père et le Fils (VI. 12).

  1. La première épître de Clément

 Cette épître date des années 92 à 98. Elle mentionne, côte à côte les trois personnes de la divinité: « N’avons-nous pas un même Dieu, un même Christ, un même Esprit de grâce ? » (XLVI. 6 ; LVIII. 2). Pour cette épître aussi, l’inspirateur des Ecritures est Christ. En XXII. 1, Clément écrit: « Le Christ, en effet, nous invite par l’organe du Saint-Esprit :  Venez, mes fils, écoutez-moi! Je vous enseignerai la crainte du Seigneur » (Ps. 34:12). Ainsi, Christ est identifié au Père.

  1. La seconde épître de Clément

 C’est une homélie composée au milieu du 2nd siècle. Elle parle de Jésus-Christ comme de celui « que nous devons considérer comme Dieu, comme le juge des vivants et des morts » (I. 1); il y est aussi qualifié de « Dieu médecin » (IX. 7). De plus, la parole de Jésus y est appelée « parole de Dieu » (XIII. 3). De même le texte d’Esaïe 29:13 où c’est le Seigneur qui parle, est mis, par cette épître, dans la bouche de Jésus (III. 5), et la parousie de Jésus y est appelée « jour de la manifestation de Dieu » (XII. 1).

  1. Ignace d’Antioche

 Ignace d’Antioche est mort martyr en 107. Voici quelques unes de ses paroles lors de son procès :

Empereur Trajan : Es-tu celui qui, semblable à un démon pernicieux, persévère à contrevenir à mes ordres, et entraîne les hommes dans la perdition ?

Ignace:    Que personne n’appelle Théophore[6] un démon pernicieux.

Trajan:       Et qui est Théophore ?

Ignace:    Celui qui porte le Christ dans son cœur…

Trajan:       Portes-tu en toi celui qui a été crucifié ?

Ignace:    Oui, car il est écrit : j’habiterai en eux et je marcherai avec eux. (Ici, Ignace applique à Christ le texte de Il Corinthiens 6:16 qui reproduit les paroles de l’Eternel en Lévitique 26:11 et 12)

Dans sa prière, Ignace disait :

«Je suis le froment de Dieu; que je sois moulu par la dent des bêtes pour devenir le pain dur du Christ… Permettez-moi d’imiter les passions de MON DIEU ».

Mais dans ses écrits aussi, il avait défendu la même doctrine:

« Il n’y a qu’un seul médecin à la fois chair et esprit. Dieu fait chair.., né de Marie et de Dieu… Jésus-Christ, notre Seigneur » (Eph. VII. 2). « Il est un, sorti du Père un, tout en lui restant uni, et est retourné à lui » (Magn. VII. 2). « … en nous retrempant dans le sang de Dieu (Ep 1 : 1). « …(Jésus-Christ) au-dessus duquel il n’y a rien » (Magn. VIL. 1). « Notre DIEU, JESUS-CHRIST, a été, selon le plan divin, porté dans le sein de Marie, issu du sang de David et aussi du Saint-Esprit » (Eph. XVIIL. 2). 

  1. Polycarpe

Ses épîtres dateraient des années 107 à 111. Polycarpe, disciple immédiat de l’apôtre Jean, est mort martyr en 155 ou 156. Dans ses épîtres, de même que dans le « martyre de Polycarpe » écrit peu de temps après sa mort, les doxologies trinitaires abondent. Mais voici un texte qui établit clairement que les premiers chrétiens vouaient leur adoration à Christ. « Les Juifs ignoraient que jamais nous ne pourrons ni abandonner le Christ,.., ni rendre un culte à un autre : car Lui, nous L’adorons, parce qu’Il est Fils de Dieu » (Mart. de Pol. XVII. 2, 3).

  1. Le Pasteur d’Hermas

Le Pasteur d’Hermas, ouvrage du milieu du 2nd siècle, n’est pas une apologétique mais une collec­tion de Cinq Visions, de Douze Préceptes et de Dix Similitudes. Ces dernières accordent aussi à Christ tous les attributs divins (IX. 12/2 – 14/5).

  1. Théophile d’Antloche

Né au début du 2nd siècle, mort en 190, Théophile d’Antioche nous est connu par ses livres à Autolique.

Dans son deuxième livre à Autolique (Chap. 22), il appelle Christ: « Dieu issu de Dieu ».

  1. Justin le martyr

Justin le martyr répond en 163 à Ruscus :

« Nous croyons que Jésus-Christ, l’enfant de Dieu, est le Seigneur ; annoncé par les prophètes comme devant assister la race des hommes ; messager du salut et maître du beau savoir, moi qui ne suis qu’un homme, je suis trop petit, je l’avoue, pour parler dignement de sa divinité infinie ».

  1. Hiérax

 Hiérax, vers la même époque que Justin, affirme devant Rusticus:

« Notre Père véritable : c’est le Christ ».

  1. Clément d’Alexandrle

Mort avant 215, Clément d’Alexandrie, dans la Prière au Divin Pédagogue, qualifie Jésus de « Père et Fils tout à la fois ».

  1. Maximillen

En 295, près de Carthage, à Théveste, Maximilien, fils de Fabius Victor, jugé pour refus de servir dans l’armée, répondit à Diu le proconsul : « Je n’ai que faire de votre signe ; je porte déjà le signe de Christ, mon Dieu ».

  1. Le martyr Euplius

 En 304, à Catane en Sicile, le martyr Euplius répond au gouverneur qui lui demande de sacrifier aux idoles pour avoir la vie sauve : « Je sacrifie. Mais c’est moi-même que j’offre au Christ-Dieu ».

Conclusion

Ce n’est donc ni Tertullien (155-222), ni le synode d’Alexandrie (317), ni le concile de Nicée (325) ou de Constantinople (381) qui imposèrent la doctrine de la divinité de Jésus-Christ. Elle découlait des Saintes Ecritures. Ces quelques données historiques en sont la preuve manifeste.

De plus, depuis les temps primitifs jusqu’aux temps actuels, la divinité du Christ n’a jamais été mise en doute par les croyants bibliques.

Citons les Vaudois (vers 1100), excommuniés et persécutés, mais fermement attachés à la Bible : ils affirment la divinité de Jésus-Christ.

Puis toutes les confessions de foi des Eglises issues de la Réforme, et pour lesquelles la Bible est la seule autorité en matière de foi, reconnaissent la divinité du Christ. Ainsi la confession de foi d’Augsbourg (1530), de la Rochelle (1559), belge (1561), des Pays-Bas (1571), de Westminster (1647)…

Mais dès que les théologiens se sont écartés de la Révélation en se livrant à des spéculations philo­sophiques, ils ont achoppé à la pierre d’achoppement : Dieu manifesté en chair.

C’était le cas de Sabellius et de Samosate vers 275, puis d’Arius vers 300, d’Abelard (1079-1142), de Lellio Sozzini dit Socin (1525-1562), de Michel Servet (1511-1553), des Unitariens anglais du XVIIIe siècle, des Russelistes (devenus plus tard les Témoins de Jéhovah) au XIXe siècle, des Théologiens modernes…

Le retour à la Bible comme seule et unique auto­rité conduit, au contraire, à la reconnaissance de la divinité de Jésus-Christ.

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Notes

[1] Théologien et prêtre chrétien du 3ème siècle. Il soutenait une interprétation du dogme chrétien de la Trinité, appelée modalisme, selon laquelle, puisque Dieu est indivisible, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois modes d’un même Être.

[2] Paul de Samosate est un religieux chrétien du 3ème siècle, originaire de Samosate (actuellement en Turquie). En 260, il fut élu évêque d’Antioche. En 268, il est condamné par le concile d’Antioche de 269 comme hérétique, et il fut déposé. Il fallut attendre 272 et l’intervention de l’empereur romain Aurélien pour que l’évêque Timée puisse occuper le siège apostolique.

[3] Arius (256 – 336) est un prêtre, théologien et ascète chrétien. Il est à l’origine de la doctrine qui porte son nom, l’arianisme : l’arianisme défend la position que la divinité du Très-Haut est supérieure à celle de son fils fait homme.

[4] Athanase d’Alexandrie (vers 298 – 373) est un Patriarche d’Alexandrie au 4ème siècle.

[5] L’apologétique est un champ d’études théologique ou littéraire consistant en la défense systématique d’une position. Un auteur s’engageant dans cette démarche est appelé un « apologiste » ou un « apologète » (ce dernier terme ayant une connotation plus religieuse).

[6] Théophore est le deuxième prénom d’Ignace et signifie : porteur de Dieu.

J.C. pour les historiens et philosophes des 1er siècles

« Nous ne pourrons ni

abandonner le Christ ni

rendre un culte à un autre:

car Lui nous L’adorons

parce qu’il est Fils de Dieu.»

(Polycarpe)

 

Le témoignage de la Bible seule est suffisant pour établir la divinité de Jésus-Christ. Mais si nous mentionnons quelques autres documents datant des premiers siècles, c’est pour démontrer que la foi des premiers chrétiens avait effectivement pour objet Christ, Dieu incarné, et cela bien avant toute formulation dogmatique.

Les écrits auxquels nous nous adresserons seront des écrits historiques ou de philosophes qui n’ont pas été écrits dans un souci apologétique[1]. Ils traduisent tout simplement la foi de l’Eglise primitive.

  1. Le témoignage de Flavius Josèphe

 Flavius Joséphe, historien juif né à Jérusalem en 37-38 et mort à. la fin du premier siècle, a mentionné Jésus dans les Antiquités Judaïques (publiées entre 93 et 94), ainsi que Jean-Baptiste et Jacques, frère du Seigneur. Ces mentions permettent de conclure non seulement à l’historicité de Jésus, de sa crucifixion et de sa résurrection, mais aussi à sa nature surnaturelle.

« Vers cette époque surgit Jésus, homme sage, s’il faut vraiment l’appeler homme. Car il faisait des choses miraculeuses… Il était le Christ.[2] » La version slave donne davantage de précisions:

« Sa nature et son extérieur étaient d’un homme, mais son apparence plus qu’humaine et ses oeuvres divines. »

A propos de la résurrection, la même version slave note: «Car un mort ne peut se relever de lui-même, mais avec l’aide de la prière d’un autre juste, à moins que ce ne soit un ange ou quelqu’une des puissances célestes, ou que Dieu lui-même ne paraisse comme homme et accomplisse tout ce qu’il veut et marche avec les hommes et tombe et se couche et se relève selon sa volonté. »

Plusieurs critiques pensent qu’il s’agirait là d’ajouts postérieurs à Flavius Josèphe. Cependant, le manus­crit arabe du 10ème siècle découvert en février 1972 par le professeur Shlomo Pines[3] de l’Université hébraïque de Jérusalem, et qui passe pour authentique et non retou­ché, parle aussi des miracles, de la crucifixion et de la résurrection de Jésus.

  1. Le témoignage de Pline le Jeune[4]

 Dans une lettre à l’empereur Trajan[5], et datant de 110 à 113, Pline affirme que les chrétiens se réunissaient un jour déterminé, avant l’aube et chantant un hymne à la gloire du Christ, comme si c’était un Dieu (quasi Deo). (Epist. X.96).

  1. Le témoignage de Tacite[6]

 Vers 115 ou 117, Tacite parle du christianisme comme d’une « superstition détestable » (Ann. XV.44). Ne voulait-il pas par là insinuer que les chrétiens rendaient un culte au Crucifié ?

  1. Le témoignage de Suétone[7]

 Vers 120, Suétone, dans la Vie de Claude[8], affirme que l’empereur Claude « expulsa les Juifs de Rome, car sous l’influence de « Chrestus», ils causaient un grand tumulte » (Claudius, XXV). Dans sa Vie de Néron[9], à l’instar de Tacite, il qualifie les chrétiens « une côterie[10] de gens adonnés à une superstition nouvelle et pernicieuse…» (Nero, XVI).

  1. La lettre de Trajan

 Cette lettre, reprise par Vopiscus[11] dans sa Vie de Saturnin et datant de 134, parlait des vicissitudes religieuses de l’époque: « Le patriarche lui-même est contraint par d’aucuns à adorer Sérapis[12], par d’autres à se prosterner devant le Christ ».

  1. L’apologie d’Aristide[13]

 De cet ouvrage[14] cité par Eusèbe de Césaré[15] on connaît une version arménienne, un manuscrit Syriaque et un texte grec. On y lit : « Il est dit que Dieu descendit des cieux et naquit d’une vierge hébraïque et prit chair… »[16]

  1. Le rhéteur Lucien de Samosate[17]

 Lucien de Samosate était un grand voyageur[18] qui se tenait au courant des idées de son temps. Il fait confesser le chrétien dans son « Philopatris » : « le Dieu exalté… Fils du Père, Esprit procédant du Père, l’Un d’entre les Trois et Trois d’entre un »[19].

  1. La lettre du roi Abgar[20]

 Eusèbe reproduit une lettre extraite des archives d’Edesse[21], qu’il traduisit du syriaque et qui est attribué au roi Abgar d’Edesse qui aurait écrit à Jésus : « …et ayant entendu tout cela (les miracles) sur ton compte, j’ai décidé de deux choses l’une, ou bien tu es Dieu descendu du ciel, et fais ainsi ces choses, ou que tu es un fils de Dieu pour faire ces choses… ».

Des copies de cette lettre et de la réponse qu’aurait donnée Jésus, ont aussi été trouvées sur des papyrus grecs des 4ème et 5ème siècles, ainsi que sur un linteau découvert à Ephèse.

En fait, s’il est difficile de croire en l’authenticité de cet échange de lettres, ce document ancien accorde lui aussi, à Jésus, les attributs de la divinité.

  1. L’Epître à Diognète[22]

 L’épître[23] à Diognète date du milieu du 2nd siècle. Elle contient sur Jésus, ce renseignement: « Il l’envoya comme Dieu comme un homme parmi les hommes ».

  1. Le témoignage de Celse[24]

 Celse, le philosophe païen, platonicien, peu avant l’an 180, dans son Discours véritable[25], n’accepte des évangiles que les faits correspondant à ses visées polémiques, telles les faiblesses de la nature humaine de Jésus, les plaintes de son agonie, sa mort sur la croix, etc., qui d’après lui, seraient toutes indignes d’un Dieu. Il accuse d’ailleurs les chrétiens d’avoir plagié la doctrine trinitaire d’une mauvaise interprétation de Platon, à quoi Origène répondra que c’est dans l’Ecriture qu’on trouve cette doctrine.

  1. La pensée de Porphyre[26]

 Porphyre, disciple du néo-platonicien Plotin, à la fin du 3ème siècle, dans ses quinze livres Contre les Chrétiens soulève au nom de principes philo­sophiques, la même objection que Celse: « Un Dieu peut-il souffrir ? »

  1. Le témoignage des ennemis

 En 1856[27], on découvrit une caricature grossière de la crucifixion gravée sur le mur d’un bâtiment antique de la colline du Palatin à Rome. Elle représente un corps humain à tête animale cloué sur une croix, les bras étendus. Sur le côté se trouve un jeune garçon, la main levée en signe d’adoration. L’inscription figurant en-dessous de cette gravure est la suivante : « Alexamenos adore son Dieu ». Ce document date du 2nd siècle[28].

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Notes

[1] L’apologétique est un champ d’études théologique ou littéraire consistant en la défense systématique d’une position. Un auteur s’engageant dans cette démarche est appelé un « apologiste » ou un « apologète » (ce dernier terme ayant une connotation plus religieuse).

[2] Version grecque. Antiq. iud. XVIII. 63-64.

[3] Philosophe israélien (1908 – 1990). Il fut un expert des philosophies arabes et juives médiévales, ainsi que du monde paléo-chrétien oriental, particulièrement de la translatio studiorum (déplacement des lettres grecques et particulièrement de la philosophie du monde grec vers le Proche-Orient syriaque, puis arabe, suite à la fermeture des écoles philosophiques grecques non-chrétiennes par l’empereur Justinien en 529 après Jésus-Christ. On peut traduire en français cette locution latine en transmission des études, voire en transfert des études, ou en déplacement des études).

[4] Pline le Jeune est un écrivain et homme politique romain (environ 61 – environ 114). Il vécut ainsi sous les règnes de cinq empereurs successifs : Vespasien, Titus, Domitien, Nerva et Trajan.

[5] Empereur romain (53 – 117). Il régna de janvier 98 à sa mort. Trajan est le premier empereur romain originaire d’une province et non de Rome même ou de l’Italie, et il est considéré traditionnellement par l’historiographie des sénateurs romains comme le meilleur des empereurs.

[6] Tacite est un historien et un philosophe romain (55 – vers 120 après  Jésus-Christ).

[7] Suétone est un polygraphe et un érudit romain ayant vécu entre le 1er et le 2ème siècle. Il est principalement connu pour ses Vie des douze Césars, qui comprend les biographies de Jules César à Domitien.

[8] Claude (10 – 54) est le quatrième empereur romain, qui régna de 41 à 54. Il apparaissait peu probable que Claude devienne empereur : il était bègue et sa famille l’avait jugé incapable d’exercer une fonction publique.

[9] Néron (37 – 68) est le cinquième et dernier empereur romain de la dynastie julio-claudienne ; il règna de 54 à 68 après la mort de son grand-oncle et père adoptif Claude.

[10] Une coterie est une association entre certains groupes d’individus unis par un intérêt commun qui favorisent ceux qui font partie de leur compagnie et cabalent contre ceux qui n’en sont pas.

[11] Flavius Vopiscus (ou Flavianus) est un historien latin du 4ème siècle après Jésus-Christ.

[12] Sarapis ou Sérapis est une divinité syncrétique créée à l’époque hellénistique par Ptolémée 1er, premier pharaon de la dynastie lagide, afin d’unifier les différentes cultures présentes en Egypte. Sarapis rassemble des traits d’Hadès, du dieu-taureau Apis et d’Osiris. Aux côtés d’Isis, il devient au 2ème siècle de notre ère, l’une des divinités les plus aimées du panthéon égyptien. Son culte s’étend alors à l’ensemble du bassin méditerranéen.

[13] Aristide d’Athènes (mort vers 134) est un apologiste chrétien du 2ème siècle. Il enseignait la philosophie à Athènes.

[14] Lorsque l’empereur Hadrien visita cette ville en 125, Aristide lui présenta une Apologie de la religion qui fut bien accueillie.

[15] Eusèbe Pamphile de Césarée (environ 265 – environ 340), évêque de Césarée, est un prélat grec, écrivain, théologien et apologiste chrétien. Père de l’histoire ecclésiastique, il n’est pas reconnu comme un Père de l’Église mais ses écrits historiques ont une importance capitale pour la connaissance des trois premiers siècles de l’histoire chrétienne.

[16] Dans un discours prononcé devant l’empereur, Aristide d’Athènes soutint le principe de la divinité de Jésus-Christ. Il est probable que cette Apologie et ce discours eurent une influence sur l’édit que rendit peu après l’empereur, interdisant d’exécuter les suspects sans mise en examen et jugement préalables, ce qui permit aux chrétiens de vivre leur foi dans un relatif calme.

[17] Lucien de Samosate (vers 120 – mort après 180) était un rhéteur et satiriste de Syrie qui écrivait en grec. Il naquit à Samosate, dans l’ancienne Syrie et mourut à Athènes. Il fut sculpteur puis avocat.

[18] Il voyagea dans tout l’Empire romain.

[19] Voir « La trinité par les transfinis »

[20] Abgar est le nom de plusieurs princes arabes qui régnèrent à Édesse en Mésopotamie, depuis le 2ème siècle avant Jésus-Christ jusqu’au 3ème siècle après. Celui qui aurait vécu au temps de Jésus serait Abgar 5 Oukama ou Ukomo, parfois appelé Ukkama Bar Ma’Nu.

[21] Eusèbe de Césarée cite dans son « Histoire ecclésiastique » une correspondance que le roi Abgar d’Édesse aurait eue avec Jésus pour le prier de venir le guérir d’une maladie réputée incurable.

[22] Diognète serait un païen de haut rang d’Alexandrie.

[23] L’Épître à Diognète est une œuvre d’un auteur chrétien anonyme.

[24] Celse, philosophe épicurien grec du 2ème siècle.

[25] Ce texte fut rédigé vers 178. Il s’agissait d’un ouvrage où Celse attaquait le Christianisme naissant par les armes du raisonnement et du ridicule. Le texte original a été perdu et nous est parvenu par les extraits étendus cités par son grand contradicteur Origène dans son ouvrage La Réfutation. Celse était lié avec Lucien de Samosate, qui lui dédia son Alexandre ou le faux Prophète.

[26] Porphyre (234 – vers 305) est un philosophe néoplatonicien. C’est par lui que le néoplatonisme est passé en milieu chrétien. Il écrivit un traité intitulé « Contre les chrétiens » dans lequel il expose que, d’après lui, le christianisme implique une conception absurde et irrationnelle de la divinité qui le condamnerait, aussi bien du point de vue des religions particulières que du point de vue transcendant de la philosophie. Dans le traité « Sur le retour de l’âme », il propose une tout autre théorie des rapports entre philosophie et religion : les religions ne s’adresseraient qu’à des dieux inférieurs ou à des démons ; la philosophie les transcenderait, parce qu’elle serait le culte du Dieu suprême, dont le philosophe est le prêtre. Voir « 59 Jc 003-015 001 L’œcuménisme, un préliminaire à la théosophie »

[27] Ce graffiti a été transféré au musée Kircher puis au Musée national romain avant d’être restitué au musée du Palatin à Rome en 1946.

[28] Cette scène est aussi rapportée par Tertullien (entre 150 et 160 – vers 230-240) est un écrivain de langue latine issu d’une famille berbère romanisée et païenne. Il se convertit au christianisme à la fin du 2ème siècle et devient la figure emblématique de la communauté chrétienne de Carthage. Théologien, père de l’Église, auteur prolifique, catéchète, son influence sera grande dans l’Occident chrétien. Il est cependant controversé : il lutte d’une part activement contre les cultes païens, est considéré comme le plus grand théologien chrétien de son temps (on lui doit le terme de trinité) mais il rejoint d’autre part le mouvement hérétique montaniste à la fin de sa vie. Le montanisme est le rejet du clergé et de toute hiérarchie, pour mieux exalter le martyre. Ce mouvement fondait son système de croyance sur la promesse de Jésus à ses disciples de leur envoyer, après sa mort, le Paraclet. Montanus (fondateur du montanisme) se présenta comme l’organe du Paraclet. Il ne prétendait pas être le Paraclet lui-même, mais un médium humain en extase prophétique.