Joseph, fils de Jacob et de Rachel, est vendu comme esclave à des marchands nomades, par ses frères. Après avoir été revendu à un riche Egyptien, il est accusé par la femme de ce dernier d’avoir tenté d’abuser d’elle alors, qu’en réalité, c’est elle qui a voulu aller vers lui ; il est envoyé en prison. Partageant sa cellule avec deux autres prisonniers égyptiens, il est sollicité à donner la signification de deux de leurs songes. Quelques temps plus tard, Joseph est conduit devant le pharaon pour essayer d’expliquer l’explication de deux songes faits par celui-ci :
« Pharaon dit alors à Joseph: Dans mon songe, voici, je me tenais sur le bord du fleuve. Et voici, sept vaches grasses de chair et belles d’apparence montèrent hors du fleuve et se mirent à paître dans la prairie. Sept autres vaches montèrent derrière elles, maigres, fort laides d’apparence et décharnées : je n’en ai point vu d’aussi laides dans tout le pays d’Egypte. Les vaches décharnées et laides mangèrent les sept premières vaches qui étaient grasses. Elles les engloutirent dans leur ventre, sans qu’on s’aperçût qu’elles y fussent entrées; et leur apparence était laide comme auparavant. Et je m’éveillai. » (Gn 41 : 17 à 21)
Le Pharaon continue : « Je vis encore en songe sept épis pleins et beaux, qui montèrent sur une même tige. Et sept épis vides, maigres, brûlés par le vent d’orient, poussèrent après eux. Les épis maigres engloutirent les sept beaux épis. » (Gn 41 : 22 à 24)
« Joseph dit à Pharaon : Ce qu’a songé Pharaon est une seule chose ; Dieu a fait connaître à Pharaon ce qu’Il va faire. Les sept vaches belles sont sept années et les sept épis beaux sont sept années ; c’est un seul songe. Les sept vaches décharnées et laides qui montaient derrière les premières sont sept années et les sept épis vides, brûlés par le vent d’orient, seront sept années de famine. Ainsi, comme je viens de le dire à Pharaon, Dieu a fait connaître à Pharaon ce qu’Il va faire. Voici, il y aura sept années de grande abondance dans tout le pays d’Egypte. Sept années de famine viendront après elles ; et l’on oubliera toute cette abondance au pays d’Egypte, et la famine consumera le pays. » (Gn 41 : 25 à 30)
Après cette explication, Pharaon nomme Joseph à la tête de son pays pour gérer les quatorze années en question. Lors des sept années d’abondance, le texte biblique nous dit que « Joseph amassa du blé, comme le sable de la mer, en quantité si considérable que l’on cessa de compter, parce qu’il n’y avait plus de nombre. » (Gn 41 : 49) Ce texte a longtemps été commenté en disant qu’il est une allégorie ou une image pour vraiment signifier qu’il y avait une récolte particulièrement importante…
Mais l’archéologie et en particulier l’égyptologie et le déchiffrage des hiéroglyphes apportent un éclairage intéressant sur ce texte :
Les Égyptiens de l’Antiquité utilisaient un système de numération décimale. Chaque ordre de grandeur (unités, dizaines, centaines, etc.) possédait un signe répété le nombre de fois nécessaire[1].
La numération égyptienne n’est pas une numération de position comme c’est le cas pour nous (le chiffre 1 peut représenter une unité, une dizaine, une centaine… en fonction de sa position dans le nombre). Autrement dit, le nombre et le nombre
sont un seul et même nombre : 12.
Le hiéroglyphe indique donc l’ordre de grandeur qu’il code par son tracé même et non pas par sa position dans l’écriture du nombre : l’inconvénient de cette numération se fait apparent si on songe à l’écriture du nombre 9 999 999 par exemple, qui n’exige l’écriture que de sept chiffres dans notre numération de position, alors qu’il en faudrait soixante-trois en numération égyptienne.
Toutefois quand les nombres sont écrits en hiéroglyphes, ce qui est le cas lorsqu’ils sont gravés sur les parois des temples, les unités, dizaines et centaines sont en demi taille. Ils se regroupent par ordres de grandeur : unités ensemble, dizaines ensemble, centaines ensemble…
Par exemple, le nombre 1 527 s’écrit :
Dans ce système de numération, il y a un problème pour les grandes quantités… et en particulier si le nombre que l’on souhaite retranscrire est supérieur à 9 999 999… Dans ce cas, il n’y a plus de nombre puisque la plus grande unité représentable est le million ; tandis que pour la dizaine de millions, il n’y a rien…
Une fois de plus, les textes bibliques sont d’une précision remarquable…
Un tel texte peut aussi servir à contrecarrer les partisans d’une écriture tardive des textes bibliques… En effet, pour écrire que les Egyptiens avaient une limite dans leur système de calcul et de représentation des nombres, il fallait le savoir… Donc, soit vivre au temps du Moyen Empire égyptien[2], soit après Champollion[3], à qui nous devons le déchiffrage de l’écriture égyptienne antique !
Notes :
[1] Il s’agit d’un système appelé additionnel.
[2] Le Moyen Empire commence en -2060 sous la XIe dynastie. Certains pensent que Joseph a plutôt vécu durant la deuxième période intermédiaire d’Egypte, période d’occupation du pays par les Hyksôs. Toutefois, beaucoup de détails des textes bibliques démontrent que Joseph a vécu durant le Moyen Empire. Entre autres, en Gn 41 : 14, à sa sortie de prison pour rencontrer le pharaon, Joseph se rasa ; le fait de se raser toute la tête était d’usage chez les Egyptiens alors que les Hyksos, c’était l’inverse, barbes et cheveux étaient bien vus. En Gn 41 : 45, le pharaon donne une femme à Joseph, fille de Poti-Phéra, prêtre d’On ; On était le centre du culte solaire du Moyen Empire dans lequel le dieu suprême était Re ou Ra ; le dieu des Hyksos était Set et non Re, qui est en fait le même dieu que Baal.
[3] Jean-François Champollion dit Champollion le Jeune (1790 – 1832), est un égyptologue français. Déchiffreur des hiéroglyphes, il est considéré comme le père de l’égyptologie.