Le discours habituel, musulman ou islamique, affirme que :
- l’expression coranique « gens du Livre » (ahl al-kitâb, littéralement « tente de l’Ecrit ») désignerait globalement les juifs, les chrétiens et les musulmans ;
- le terme de « nasârâ » seraitle nom des chrétiens en arabe.
En fait il n’en était pas ainsi à l’origine des écrits islamiques : ce sens ne s’accorde pas avec de nombreux passages dans lesquels apparaît l’une de ces deux expressions.
A l’origine :
- « ahl al-kitâb » désigneexclusivement les possesseurs de l’Ecrit, ceux qui forment sa « famille » c’est-à-dire l’ensemble des fils d’Israël, quelle que soit leur obédience. « L’Ecrit » en question étant la Torah[1].
- les« nasârâ » constituent l’autre branche juive dont il est question dans le Coran, à côté de celle des yahûd (juifs) d’obédience rabbinique ; ce terme doit être rendu par « nazaréens », ce que même les Saoudiens sont obligés de faire à certains endroits dans leur traduction.
Dans quelques versets coraniques seulement, « ahl al-kitâb » et « nasârâ » supportent le sens qui leur est donné aujourd’hui ; il s’agit de versets qui ont été l’objet de manipulations, introduites dans le texte ou résultant de fausses lectures, ce que cette réflexion met en lumière.
Sans ces clefs de compréhension, la lecture du texte coranique actuel ne peut pas sortir d’un carcan d’obscurités et de contradictions.
Une des questions essentielles à se poser, parmi tant d’autres : quand le texte coranique évoque les gens du Livre ou l’appellation de nasârâ, de qui parle-t-il ?
L’expression « ahl al-kitâb » est utilisée 31 fois dans le texte coranique[2]. Ces occurrences ne sont pas réparties également : au-delà de la sourate 5, elles deviennent rares, apparaissant dans les sourates 29, 33, 57, 59 (2 fois) et 98 (2 fois).
Les chrétiens n’ont jamais été appelés et ne se sont jamais appelés nazaréens, sauf les dix premières années environ après la Pentecôte : les appellations utilisées étaient mešîhâyê en araméen qui pourrait se rendre par « messiens » ou Christianoi en grec qui a donné chrétiens dans l’Empire gréco-latin et dans l’Empire perse.
Pourquoi seraient-ils appelés autrement dans le Coran ? Les chrétiens se seraient-ils trompés d’appellation durant six siècles avant l’Islam ? Par ailleurs, même les traductions les plus étroitement conformes au dogme islamique ne rendent pas toujours nasârâ par chrétiens ; voici deux contre-exemples :
- « Ceux qui ont cru, ceux qui judaïsent, lesNazaréens et les Sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Dieu… sera récompensé » (sourates 2 : 62 et 5 : 69).
- « Ceux qui ont cru, ceux qui judaïsent, lesSabéens, les Nazaréens, les Mages et ceux qui donnent à Dieu des associés, Dieu tranchera entre eux au jour du Jugement » (sourate 22 : 17).
Certes, on peut le comprendre : tout au long du Coran, les chrétiens sont accusés « d’associer » à Dieu[3] et sont voués à l’enfer. Or, le premier de ces versets et implicitement le second vouent les nasârâ au Paradis. Faudrait-il donc penser que Dieu qui dicte le Coran utilise ici le même terme pour désigner une réalité et son contraire au sujet de la communauté des Nazaréens ? Dieu ignore-t-Il que les noms propres sont faits pour désigner des gens précis ? Ou alors, est-ce une erreur continuelle de lecture, à moins que ce soit une erreur du texte lui-même ? Mais comment ? L’analyse attentive des 12 autres occurrences du terme de nazaréen et d’une partie des 31 de l’expression « gens du Livre » fournit une réponse.
En fait, la clef du problème a déjà été avancée par Antoine Moussali[4] dans un article[5] où il pointe le mécanisme introduisant des contradictions dans la signification du mot nasârâ dans le Coran, en particulier dans la sourate 5 où on lit :
- « O les croyants ! Ne prenez pas pour amis (alliés) les juifs et lesnasârâ : ils sont amis les uns des autres »[6] ;
- « Tu trouveras que les amis les plus proches des croyants sont ceux qui disent :Nous sommes nasârâ »[7].
La contradiction est telle qu’en ce dernier verset, nasârâ est rendu par Nazaréens par beaucoup de traducteurs. De plus, le premier verset coranique cité est absurde : comment peut-on prétendre que les juifs et les chrétiens sont amis ou alliés « les uns des autres » ? Les commentateurs musulmans se justifient en disant que tous ceux qui contribuent au mal sont alliés entre eux. Le sont-ils s’ils sont des ennemis les uns des autres, comme c’est généralement le cas ? Le problème se situe dans ce verset où nasârâ, qui est mis en parallèle avec yahûd (juifs), ne peut signifier que chrétiens. Une difficulté technique doit attirer l’attention : la psalmodie du passage laisse apparaître une rupture de rythme et un déséquilibre qui disparaissent si l’on omet « et les nasârâ » (wa n-nasârâ). Le texte équilibré est alors :
- « O les croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs : ils sont amis les uns des autres ».
Le verset devient clair, sensé et cohérent et la contradiction avec le verset 82 disparaît. La convergence de ces trois facteurs ne laisse guère de place au doute : on est devant une interpolation. Mais pourquoi avoir ainsi inséré « wa n-nasârâ » ? Certains pourraient objecter : peut-il exister une raison grave au point qu’on ait pris le risque d’introduire une contradiction formelle majeure dans le texte à quelques versets de distance ? Il y en a une.
Cependant, avant d’aborder cette raison, il faut remarquer, à la suite d’Antoine Moussali, que les expressions coraniques du genre : « et / ou les nasârâ » sont toutes des interpolations perceptibles à l’audition pour tout lecteur habitué à la langue arabe[8].
Dans le verset 135 de la sourate 2, l’introduction de « ou nasârâ » après « soyez juifs » apparaît tout spécialement absurde ; elle amène à lire que les « fils d’Abraham » recommandent d’être « juifs ou chrétiens ». Sans l’ajout, le verset redevient sensé : « Ils ont dit : soyez juifs, vous serez sur la bonne voie. Dis : Non, suivez la religion (milla) d’Abraham, en hanîf soumis ».
Ce verset prend alors un sens à mettre en relation avec un autre qui lui est proche et qui doit être débarrassé, lui aussi, de son ajout, « et pas un nasrânî », ce qui donne alors : « Abraham ne fut pas un juif mais au contraire il fut un hanîf soumis » (Sourate 3 : 67).
Ces deux versets disent qu’Abraham n’était pas juif puisqu’il est lui-même le père des juifs et que ceux-ci, tout en se prévalant de ce qu’ils sont, n’ont pas été fidèles à la religion de ce père soumis à Dieu (muslim). Une telle idée est présente dans les Evangiles (Mt 3 : 9, Lc 3 : 8) ; mais ici s’ajoute de l’ironie car Abraham est donné en modèle du hanîf[9].
Les expressions coraniques du type « wa n-nasârâ » sont des ajouts qui obligent le lecteur à penser que nasârâ signifie chrétiens. Quel but poursuivait-on en tronquant sciemment le sens du mot par ces ajouts ? Le contexte historique fournit l’explication. Si, à partir de ‘Uthmân[10], la décision fut prise de présenter « l’Islam » de l’époque comme une réalité autonome voulue par Dieu, il fallait occulter son enracinement nazaréen, en particulier dans le recueil de textes qu’on cherchait à produire en opposition à la Bible des juifs et des chrétiens, même si, chronologiquement, rien indique que ce recueil n’ait jamais été dit de provenance divine avant la fin du 7ème siècle, de même que rien indique que les appellations d’Islam et de musulman aient été déjà employées au sens actuel[11].
Faute d’avoir des gens capables de tout réécrire, on s’est contenté d’imposer, par des ajouts, un sens nouveau au terme de nasârâ, ce qui était plus habile que de supprimer ses mentions : il est plus facile de détourner un texte fondateur que de l’effacer de manière autoritaire. Il en reste d’ailleurs des traces : deux siècles après Muhammad[12], Ibn Hishâm[13] qualifie encore Waraqa[14], qui a béni le mariage du prophète de l’Islam avec Khadija[15], de « prêtre nazaréen ». On lit également que :
- « Waraqa ibn Nawfal était prêtre et chef des Nazaréens… Il était excellent connaisseur du nazaréisme. Il a fréquenté les livres des Nazaréens, jusqu’à les connaître comme lesgens du Livre ».
- « Quant à Waraqa, il cherchait la sagesse dans le nazaréisme ; il a été mis au courant de leurs livres par lesnazaréens eux-mêmes, de sorte qu’il avait acquis une science certaine des gens du Livre ».
- Un passage de Bukhârî[16] précise : « Il est arrivé que Waraqa est décédé et larévélation s’est tarie »[17].
Bukhârî ne parle-t-il pas ici des textes rassemblés en un recueil qui s’est appelé plus tard « révélation coranique » ? Il convient de signaler encore que Khadija est présentée comme apparentée à Waraqa, c’est-à-dire qu’elle était elle-même nazaréenne ; ce mariage n’est-il pas une des clefs de ce qui deviendra « l’Islam »[18] ?
Pour en terminer avec les occurrences du terme nasârâ, il faudrait citer les Sourates 5 (verset 14) et 9 (verset 30) où les interpolations ne se réduisent pas à quelques mots perceptibles à l’audition : elles sont plus vastes et complexes.
- Sourate 5 verset 14 : Ce verset accuse lesnasârâ d’avoir « oublié une partie de ce qui leur avait été rappelé ». Mais dans le Coran, où lit-on que les chrétiens ont « oublié » une partie de la Révélation, c’est à dire ce qui aurait concerné la future venue de Muhammad[19] ? Ou alors, il faut voir une relation avec le verset 6 de la sourate 61 où le texte fait dire à « Jésus » qu’Il est « l’annonciateur d’un messager après moi, dont le nom sera Ahmad[20] »[21]. Mais là encore, on se trouve confronté à une apologétique[22] islamique tardive, qui s’est bâtie sur une comparaison très imaginative avec le mot grec
paraklètos, présent dans l’Evangile selon Jean[23]. Le texte coranique originel peut-il receler des polémiques qui apparaissent plus d’un siècle plus tard ? Tout comme le verset 6 de la sourate 61, le verset 14 de la sourate 5 apparaît comme une longue interpolation faite d’emprunts aux versets 12 et 13 qui précèdent.
- Sourate 9 verset 30 : l’interpolation commence par l’expression « wa n-nasârâ » et continue par ce que ces nasârâ sont supposés dire : « disent que le Messie est le fils de Dieu ». On dirait que les interpolateurs ont eu peur que les autres interpolations avec le mot nasârâ, plus subtiles, ne suffisent pas à convaincre les lecteurs du fait que ce mot veuille dire chrétiens. Ce verset affirme donc que les nasârâ croient que Jésus est le Fils de Dieu, ce qui est absolument contraire à ce que croyaient les nazaréens historiques[24].
L’enjeu est d’importance, car si on lit ces passages à la lumière du véritable sens de nasârâ alors non seulement le message du Coran s’en trouve modifié mais son origine ne fait plus aucun doute… Par exemple, si on lit à la suite les versets 12 à 20 de la sourate 5, en omettant le verset 14, non seulement il n’est plus question de chrétiens, mais l’ensemble du passage prend un sens rigoureusement cohérent : il s’agit d’une diatribe[25] contre une partie importante des « fils d’Israël » qui n’est pas restée fidèle à ses engagements (Sourate 5 verset 12), qui a oublié « une partie de ce qui leur a été rappelé » (Sourate 5 verset 13) et à qui un « Messager est venu dans le passé (qad) » apportant une lumière et un écrit qui expose ce qui était tenu caché (sourate 5 verset 15). Or, ce « Messager de Dieu envoyé aux fils d’Israël », d’après le verset 6 de la sourate 61 sans la partie interpolée, c’est Jésus ! La diatribe des versets 12 à 20 de la sourate 5 est donc un long reproche fait aux judaïques de ne pas reconnaître le Messie-Jésus, d’imaginer qu’Il est mort (sourate 5 verset 17 où s’insère une allusion dialectique et sans doute originelle à la foi chrétienne[26]), de se croire les « fils préférés de Dieu » (sourate 5 verset 18 sans l’interpolation wa n-nasârâ), de ne pas recevoir le message de Jésus (sourate 5 verset 19) et de ne pas écouter Moïse alors qu’ils lui doivent tout (sourate 5 verset 20).
Notes :
[1] Le terme Torah, ou Thora ( ou
, instruction) est employé pour désigner, au sens restreint, la Torah de Moïse et au sens large la totalité des textes légaux, éthiques et religieux fondant le judaïsme.
[2] Ce qui représente un pourcentage important (24,41%) des 127 occurrences du mot ahl au total. Lorsque le mot « Ahl » (gens) s’ajoute à un autre mot pour déterminer une zone d’influence ou une appartenance forte : « Ahl » d’un homme -> les personnes particulières à lui ; « Ahl » de la mosquée -> ceux qui fréquentent telle mosquée ; « Ahl » de la forêt -> les habitants de cette forêt ; « Ahl » d’un acte -> ceux qui sont les responsables de l’acte… « Ahl-al-kitâb » -> ceux qui sont sous l’influence du Livre (la Torah).
[3] Cette expression exprime la pensée islamique que Jésus est associé à Dieu qui est Unique car Jésus ne peut être Dieu. Les chrétiens sont donc appelés des associateurs.
[4] Le Père Antoine Moussali (1921 – 2003) a été directeur des établissements scolaires lazaristes de Damas. Il a enseigné l’arabe à l’Université d’Alger de 1980 à 1986 et publié plusieurs études théologiques et sociologiques en langue arabe. Il a reçu le prix 1998 de l’Académie d’Education et d’Etudes Sociales pour la Croix et le Croissant.
[5] Interrogations d’un ami des musulmans, Collection Vivre avec l’Islam ?, 1997, pages 235 à 240.
[6] Sourate 5 : 51.
[7] Sourate 5 : 82.
[8] Par exemple : sourates 2 : 111 ; 2 : 113 avec la suite : « et les nasârâ disent : les juifs ne tiennent sur rien » ; 2 : 120 ; 2 : 135 ; 2 : 140 ; 5 : 18.
[9] Pluriel : hanefîm ou hanupa. Le Midrash ajoute cette précision : « R. Jonathan a dit : Quand un dérivé de la racine hnf apparaît dans l’Ecriture, le texte vise les mînîm » (Bereshit Rabba chapitre 48, 18,1). Minim (hébreu mishnaïque, francisé en Minéens) est un terme utilisé dans le Talmud et le Midrash pour désigner des Juifs dissidents, hérétiques ou sectaires. Bien que rien ne l’indique avec certitude, il est généralement (mais pas unanimement) admis que le terme désigne plus souvent les premiers chrétiens que les autres sectes.
[10] ‘Uthman ibn Affan, `Othman ou `Othmân ben `Affân ben al-`Âs ben Amîa est le troisième calife de l’Islam (644-656). Selon la tradition, il est le premier mecquois converti à l’islam. Choisi comme calife de préférence à un autre, il suscita des mécontentements autour de lui : d’abord, par la confiscation au profit de son clan d’une partie du butin ramené des conquêtes d’Afrique, d’Asie Mineure et de Perse, ensuite, en fixant officiellement le texte du Coran. Les copies du Coran écrites de nos jours sont censées suivre mot pour mot et lettre pour lettre cette compilation des copies d’Uthman, écriture nommée « ar-rasm al-othmanî ». Quelques-unes de ces copies existeraient encore aujourd’hui, une à Istanbul, une à Tachkent (Ouzbékistan), une copie au British Museum de Londres. Le matériel qui aurait servi à la compilation a été détruit sur la demande d’Uthman. Les hommes pieux et, plus récemment, les scientifiques, s’interrogent sur cette décision qui rend la reconstitution chronologique de la révélation très difficile et incertaine.
[11] Avant le 8ème siècle, muslim signifiait « soumis à Dieu » comme on le lit dans le texte citant les Apôtres dans la sourate 5 au verset 111 (conformément à l’araméen) et islâm signifiait soumission : voir «Le mot musulman emprunté au Nouveau Testament ».
[12] Voir « Mahomet ou Muhammad »
[13] Ibn Hisham (mort en 833) a publié une biographie de Mahomet écrite par Ibn Ishaq (historien arabe musulman et hagiographe. Il a recueilli des traditions orales qui ont formé la base de la première biographie du prophète islamique Mahomet. Cette biographie est généralement appelée Sirat Rasul Allah, « La vie du Messager de Dieu »). L’œuvre d’Ibn Ishaq est perdue et n’est aujourd’hui connue qu’au travers de textes de Ibn Hisham et al-Tabari (l’un des premiers et le plus éminent historien et exégète du Coran).
[14] Cousin de Khadija, première épouse de Muhammad. Waraqa était selon certaines sources (Histoire d’Aïcha) un prêtre converti au christianisme nestorien, le prêtre ou prêcheur de la Mecque et mourut en chrétien nestorien. Cependant, des recherches récentes tendent à faire penser qu’il était ébionite ou judéo-nazaréen. Il a présidé au mariage de Mahomet en tant que « prêtre nasraniy » (nazaréen).
[15] Première épouse du prophète de l’islam Muhammad qui n’en épousa pas d’autres tant qu’elle était vivante.
[16] Mohammed al-Boukhari (810 – 870) est un célèbre érudit musulman dont les écrits sont des références islamiques.
[17] Azzi, page 205. Une étude exhaustive concernant Waraqa a été menée par Joseph AZZI dans les chapitres I et III de son livre Le prêtre et le prophète. Une étude sur les origines de l’Islam, traduite de l’arabe par Salina Morsy, Paris, Maisonneuve et Larose, 2004. Les citations qui en sont tirées ici proviennent d’Ibn Hishâm, as-Sîratan-nabawîya, et d’Al-Bukhârî pour ce qui concerne la troisième.
[18] Voir « L’Islam issu d’une hérésie chrétienne »
[19] Voir « Mahomet est-il prédit dans Deutéronome 18 »
[20] Equivalant à Muhammad.
[21] Voir « Le paraclet, le Saint-Esprit et Mahomet »
[22] L’apologétique est un champ d’études théologiques ou littéraires consistant en la défense systématique d’une position.
[23] Aux chapitres 14 et 15 de l’Evangile de Jean, Jésus annonce un Parakletos qui doit venir. La partie centrale du verset 6 de la sourate 61 se présente comme l’écho de cette annonce. Or, ceci ne fonctionne que si ahmad est le même mot que Parakletos, comme le répète le discours islamique depuis le 10ème siècle jusqu’à nos jours… Alors qu’il n’existe aucune identité entre les deux termes et que le vague rapprochement invoqué ne peut jouer que sur une transposition erronée de parakletos en arabe et une compréhension erronée en grec. De plus, selon la version du Coran de Ubbay, Jésus n’annonce pas ahmad mais une communauté à venir. En d’autres termes, il apparaît que la version originelle du verset 6 de la sourate 61 disait simplement : « Et quand ‘Îsâ (Jésus) fils de Marie dit : Ô fils d’Israël, je suis le messager de Dieu vers vous, ils dirent : Ceci est de la sorcellerie manifeste ».
[24] « Leur croyance était que le Jésus n’était pas le Fils de Dieu, mais simplement un prophète qui voulait suivre Jean » (Origène, Volume 11 page 150 ; Origène fut un philosophe, et théologien chrétien du 2ème et 3ème siècle)
[25] Une diatribe est un texte ou un discours qui attaque de façon violente une personne ou une institution. C’est une critique amère, violente, le plus souvent sur un ton injurieux.
[26] Ce verset 17 de la sourate 5 vise « ceux qui disent : Dieu est le Messie ». Dans le langage et la culture, la dialectique est toujours un moyen de s’autojustifier en opposant entre elles deux positions contraires à celle qu’on veut promouvoir. Ici et ailleurs, le texte coranique entend opposer les judaïques qui refusent le Messie et disent qu’Il est mort, aux chrétiens qui Le considèrent comme Dieu venu en Marie c’est-à-dire comme présence de Dieu venu visiter son peuple. Le but de la dialectique est toujours la synthèse : si d’une part les judaïques ont tort et que d’autre part les chrétiens ont tort également mais en sens contraire, ceux qui sont au milieu, ou plutôt au-dessus des oppositions, ont raison. Ils proclament que Jésus est le Messie mais non présence de Dieu et qu’Il est tenu vivant en réserve au Ciel depuis son enlèvement de la croix. Ils affirment ainsi avoir la vraie doctrine (millah, religion), celle d’Abraham.