Τω Αγνώστω Θεώ – A un Dieu inconnu

Sixième siècle avant Jésus- Christ, dans une salle du conseil à Athènes, sur la colline d’Arès[1]...

« Dis-nous, Nicias, quel conseil l’oracle pythique t’a-t-il confié ? Pourquoi cette peste s’est-elle abattue sur nous ? Et pour­quoi nos multiples sacrifices ont-ils tous été vains?»

Nicias, l’homme au regard assuré, répondit sans détours au président du conseil: «La prêtresse déclare que la ville est sous une terrible malédiction. Un certain dieu a envoyé cette malédic­tion sur nous à cause de l’horrible crime de trahison du roi Mégaclès envers les partisans de Cylon. »

« Oui, je m’en souviens maintenant », dit amèrement un autre ancien, « Mégaclès obtint la reddition des partisans de Cylon par la promesse d’une amnistie. Puis il se parjura promptement et les égorgea. Mais quel dieu retient encore ce crime contre nous? Nous avons offert des sacrifices d’expiation à tous les dieux ! »

« Il n’en est rien », reprit Nicias. « La prêtresse dit qu’un dieu reste encore inapaisé. »

« Qui est-ce donc ? », demandèrent les anciens, le regard incrédule.

« Je ne saurais dire », répondit Nicias. « L’oracle pythique lui-même ne semble pas en connaître le nom mais a seulement dit que… »

Nicias s’interrompit et son regard parcourut les visages anxieux de ses collègues, tandis que résonnaient par milliers les chants funèbres dans la ville éprouvée.

Nicias poursuivit: « …nous devons envoyer sans tarder un navire à Cnossos, sur l’île de Crète, et en ramener un homme du nom d’Epiménide. La prêtresse m’affirme que, lui, saura apaiser le dieu offensé, et la ville sera délivrée. »

« N’y a-t-il pas un homme à Athènes dont la sagesse soit assez grande ? », coupa un ancien plein d’indignation. « Faut-il avoir recours à… un étranger? »

« Si vous connaissez dans cette ville un homme dont la sagesse soit assez grande, faites-le venir », dit Nicias. « Sinon, agissons tout simplement comme l’oracle l’ordonne. »

Un vent froid — comme glacé par la terreur qui régnait à Athènes — balaya la salle du conseil en marbre blanc. L’un après l’autre, les anciens se drapèrent les épaules de leur chlamyde et méditèrent les paroles de Nicias.

« Va de notre part, mon ami », dit le président du conseil, « et ramène Epiménide, s’il accepte ta requête. Et s’il délivre notre ville, il aura sa récompense.»

D’autres membres du conseil donnèrent leur approbation. Nicias, l’homme à la voix posée, se leva, s’inclina devant l’assem­blée et quitta la salle. Il descendit la colline et se dirigea vers le port du Pirée, à deux lieues de là. Un navire était à l’ancre.

    Epiménide aborda au Pirée d’un pas alerte, suivi de Nicias. Les deux hommes se rendirent sans tarder à Athènes, reprenant peu à peu assurance sur la terre ferme après le long voyage en mer depuis la Crète. Quand ils entrèrent dans la « ville des philoso­phes » déjà renommée, les signes du fléau se voyaient partout. Mais Epiménide remarqua autre chose.

« Je n’ai jamais vu autant de dieux ! », s’exclama le Crétois. Il n’en croyait pas ses yeux. Des phalanges d’idoles bordaient la route des deux côtés depuis le Pirée. D’autres dieux encore, par centaines, festonnaient le rocher en haut de la ville, où une géné­ration future construirait le Parthénon.

« Combien de dieux Athènes a-t-elle ? », s’enquit Epiménide.

« Plusieurs centaines au moins ! », répondit Nicias.

« Des centaines ! », s’exclama Epiménide. « On doit rencon­trer un dieu plus facilement qu’un homme ! »

« Comme tu dis ! », et Nicias, membre du conseil, étouffa un rire. « Qui sait le nombre de proverbes que les hommes ont inventés sur Athènes, la ville encombrée de dieux. Un dieu de plus ici, c’est comme un galet de plus sur le rivage ! »

Nicias arrêta là ses remarques et se mit à réfléchir sur ce qu’il venait de dire. Puis il ajouta pensivement: « Pourtant, l’oracle déclare que nous autres Athéniens, nous avons encore un dieu avec qui nous réconcilier. Et c’est toi, Epiménide, qui seras l’agent nécessaire. Apparemment, et malgré ce que je viens de dire, les Athéniens ont encore bien besoin d’un autre dieu ! »

Soudain, Nicias partit d’un grand éclat de rire : « Ma parole, je n’ai aucune idée qui cet autre dieu peut être. Nous sommes les collectionneurs de dieux les plus réputés du monde Nous avons déjà pillé toutes les religions de tous les peuples alentour et nous avons ramené dans notre ville, par terre ou par mer, tous les dieux possibles et imaginables ! »

« Peut-être est-ce là votre problème », dit Epiménide assez mystérieusement.

Nicias le regarda sans comprendre. Il avait une terrible envie de se faire expliquer cette remarque. Mais quelque chose dans l’attitude de son compagnon l’empêcha de parler. Quelques instants plus tard, ils arrivaient dans une stoa ancienne au sol recouvert de marbre, près de la salle du conseil. Les anciens avaient déjà été prévenus de leur arrivée. Le conseil attendait.

« Epiménide, nous sommes reconnaissants de… » commença le président. « Honorables anciens d’Athènes, point n’est besoin de me remercier. Demain à l’aube, tenez prêts un troupeau de moutons, une équipe de maçons, des pierres et du mortier en quantité, sur la pente herbue au pied de ce rocher sacré. Tous les moutons doivent être sains et de couleurs différentes: des blancs et des noirs. Je vais maintenant me reposer du voyage. Appelez-moi à l’aube. »

Les membres du conseil échangèrent des regards étonnés, tandis qu’Epiménide se dirigeait vers une alcôve tranquille à l’autre bout de la salle, se drapait dans son manteau en guise de couverture et s’asseyait pour méditer.

Le président se tourna vers le plus jeune d’entre eux : « Veille à ce que tout soit fait selon ses ordres. »

« Voici les moutons », dit humblement l’homme désigné la veille. Epiménide, encore tout engourdi de sommeil, sortit de son lieu de repos et suivit le messager jusqu’au flanc herbu de la col­line d’Arès. Il vit deux rassemblements: l’un de moutons noirs et blancs, l’autre de conseillers, bergers et maçons, qui tous atten­daient dans le soleil levant. Des centaines de citoyens, le visage ravagé par une autre nuit de soins aux malades et de lamentations sur les morts, se tenaient sur les monticules environnants, dans une grande expectative.

« Honorables anciens », dit Epiménide, « vous vous êtes déjà mis fort en peine pour offrir des sacrifices à vos nombreux dieux mais ce fut en vain. Je vais maintenant offrir des sacrifices en me fondant sur trois hypothèses différentes des vôtres. La pre­mière… »

Tous les regards étaient rivés sur le Crétois à la haute stature; chacun était suspendu à ses lèvres.

« …la première, c’est qu’il y a encore un dieu impliqué dans ce fléau — un dieu dont nous ignorons le nom et qui, par consé­quent, n’est représenté par aucune idole dans votre ville. La seconde, c’est que ce dieu est assez grand — assez bon — pour agir contre le fléau, pourvu que vous invoquions son aide. »

« Invoquer un dieu dont nous ne connaissons pas le nom ? », ne put s’empêcher de dire un ancien. « Est-ce possible ? »

« La troisième hypothèse est ma réponse à votre question », répliqua Epiménide. « Elle est très simple. Un dieu assez grand et assez bon pour agir contre la peste est aussi assez grand et assez bon pour juger notre ignorance avec bienveillance, si nous recon­naissons cette ignorance et faisons appel à lui ! »

Des murmures d’approbation se confondirent avec le bêle­ment des moutons affamés. Jamais auparavant, les anciens d’Athènes n’avaient entendu ce type de raisonnement. Mais pourquoi donc, se demandaient-ils, fallait-il des moutons de couleurs différentes ?

« Et maintenant », dit Epiménide, « soyez prêts à lâcher tous les moutons sur ce terrain sacré! Laissez-les paître là où ils veulent. Mais qu’un homme suive chaque animal et l’observe attentivement. » Puis, levant les yeux au ciel, il fit cette prière, d’une voix intense et pleinement assurée: « O toi, le dieu in­connu ! Vois la peste qui accable cette ville ! Et si tu as la compas­sion de nous pardonner et de nous secourir, vois ce troupeau de moutons! Révèle-nous que tu es prêt à te manifester, je t’en prie, en faisant se coucher, au lieu de paître, les moutons que tu choisi­ras. Les blancs, si telle est ta volonté, les noirs, si tu le préfères. Ceux que tu auras choisis, ce sont ceux-là que nous te sacrifierons, en reconnaissant notre pitoyable ignorance de ton nom ! »

Epiménide inclina la tête, s’assit sur l’herbe et fit un geste aux bergers qui gardaient le troupeau. Ils se mirent lentement de côté. Très vite, et avec impatience, les moutons se répandirent sur le flanc de la colline et commencèrent à brouter. Pendant ce temps, Epiménide restait immobile comme une statue, les yeux fixés au sol.

« C’est sans espoir ». marmonna un conseiller, contrarié. « il est tôt et j’ai rarement vu un troupeau aussi pressé d’aller paître. Pas un seul ne va se coucher avant d’avoir la panse pleine, et alors, qui croira qu’il aura fallu un dieu pour cela ? »

« Je pense qu’Epiménide a volontairement choisi ce moment du jour, alors ! », répondit Nicias. « C’est seulement dans ces conditions que nous serons sûrs qu’un mouton, s’il se couche, agira par la volonté du dieu inconnu et non pas de lui-même, selon sa propre inclination ! »

A peine avait-il terminé sa phrase qu’un berger cria: « Regar­dez ! » Et chacun tourna les yeux pour voir un bouc des plus beaux plier les genoux et s’installer dans l’herbe. « En voilà un autre ! », s’exclama un conseiller, éberlué, figé d’étonnement. En quelques minutes, il y en eut un grand nombre, tous couchés dans l’herbe, bien trop succulente pour qu’aucun herbivore affamé n’y résiste — en des circonstances normales !

« S’il n’y en avait eu qu’un, nous aurions dit qu’il était sans doute malade », s’exclama le président. « Mais là, ce ne peut être qu’une réponse ! »

Se tournant vers Epiménide, le regard plein de crainte respectueuse, il demanda: « Que devons-nous faire mainte­nant ? »

« Enlevez les moutons qui se reposent », dit le Crétois en relevant la tête pour la première fois depuis qu’il avait invoqué le dieu inconnu, « et marquez l’endroit où il se trouvait. Puis, que les maçons construisent des autels — un autel par animal enlevé. »

Les maçons se mirent à l’œuvre avec ardeur. Tard le soir, le mortier avait suffisamment durci. Tous les autels étaient prêts.

« De quel dieu allons-nous graver le nom sur ces autels ? », demanda un jeune conseiller au zèle intempestif. Tous les regards se dirigèrent vers le Crétois. « Un nom ? », dit pensivement Epiménide. « La divinité dont nous avons demandé le secours a bien voulu accepter notre aveu d’ignorance. Si maintenant, nous prétendons en savoir plus et gravons un nom alors que nous n’avons pas la moindre idée de ce qu’il est, nous allons l’offenser, je le crains. »

« Nous ne devons pas en prendre le risque », dit le président. « Mais il y a bien une façon convenable de… de dédier chaque autel avant d’en faire usage. »

« Tu as raison, homme sage », dit Epiménide avec un sourire peu commun. « Il y a un moyen, en effet. Inscrivez simplement les mots agnosto theo — au dieu inconnu — sur le côté de chacun des autels. Rien de plus. »

Ce que firent les Athéniens, d’après ce qu’avait ordonné le Crétois. Puis, ils sacrifièrent chacun des moutons mis de côté sur l’autel élevé à l’endroit même où il s’était couché. La nuit tomba. Dès l’aube du jour suivant, la peste avait déjà relâché son étreinte mortelle. En huit jours, les malades guérirent. Athènes débordait de louanges au dieu inconnu d’Epiménide ainsi qu’à celui qui avait apporté une aide si étonnante, d’une façon si imprévue. Des citoyens reconnaissants ornèrent de guirlandes de fleurs tous ces autels dressés sans art et sans prétention sur le flanc de la colline. Plus tard, ils firent une statue d’Epiménide assis et la placèrent devant l’un de leurs temples.

Selon un passage des Lois de Platon, Epiménide prophétisa aussi ces jours-là que dix ans plus tard une armée de Perse atta­querait Athènes. Mais il assura les Athéniens que leurs ennemis perses repartiraient, leurs espérances anéanties, après avoir subi plus de maux qu’ils n’en auraient infligé. Cette prophétie s’accomplit. Le conseil, pour sa part, offrit à Epiménide de l’argent pour les services rendus, mais il refusa tout paiement.

« Le seul présent que je désire, c’est que nous fassions un traité d’amitié entre Athènes et Cnossos, ici et maintenant. » Tous furent d’accord. Avec la ratification du traité, ils veillèrent à ce qu’Epiménide regagnât son île sain et sauf.

(Dans le même passage, Platon salue en Epiménide « l’hom­me inspiré » et reconnaît en lui un des grands hommes qui ont aidé l’humanité à redécouvrir ce qu’elle avait trouvé, puis perdu, lors du Grand Déluge.)

Avec le temps, cependant, les Athéniens commencèrent à oublier la miséricorde que le dieu inconnu d’Epiménide leur avait manifestée. Ils finirent même par négliger Ses autels. Ils retournè­rent adorer les centaines d’autres dieux qui s’étaient révélés impuissants à ôter la malédiction de la ville. Des vandales démoli­rent certains des autels et s’emparèrent des pierres branlantes. L’herbe et la mousse s’accrochèrent aux ruines, jusqu’au jour où… deux anciens qui se souvenaient de la raison d’être de ces autels s’arrêtèrent au milieu d’eux en rentrant du conseil. Appuyés sur leur bâton, ils contemplaient tristement les ruines sacrées couvertes de lierre. L’un d’eux ôta un peu de mousse et lut l’inscription ancienne cachée dessous : « Agnosto theo. Demas, te souviens-tu ? »

« Comment oublier ? J’étais le plus jeune du conseil, celui qui a passé toute la nuit à faire préparer le troupeau, les pierres, le mortier et les maçons pour le lever du jour. »

« Et moi, j’étais ce jeune membre trop zélé qui a suggéré d’inscrire le nom d’un dieu sur chaque autel ! Comme c’était bête ! »

Il fit silence, perdu dans ses pensées. Puis, il ajouta : « Demas, tu vas me croire sacrilège, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que si seulement « le dieu inconnu » d’Epiménide se révélait clairement à nous, nous pourrions sans tarder nous passer de tous les autres!» L’ancien, qui portait barbe, agita son bâton avec un certain mépris vers toutes ces rangées et ces rangées d’idoles plus sourdes-muettes que jamais.

« Et si ce dieu se révélait un jour », dit Demas pensivement, « comment notre peuple saura-t-il que ce n’est absolument pas un étranger mais un dieu qui a déjà eu part aux destinées de notre ville ? »

« Je crois qu’il n’y a qu’un seul moyen », reprit le premier, « nous devons essayer de préserver au moins un de ces autels, comme preuve pour la postérité. Il faut en quelque sorte mainte­nir vivante l’histoire d’Epiménide dans nos traditions. »

« Excellente idée ! » dit Demas, tout réjoui. « Regarde, celui-ci est encore à peu près en état. Prenons des maçons pour l’arranger. Et demain nous rappellerons au conseil cette lointaine victoire sur la peste. Nous ferons passer une motion pour qu’au moins l’entretien de cet autel soit à jamais inclus dans les dépenses de la ville. »

Ils scellèrent leur accord d’une poignée de mains. Puis, bras dessus, bras dessous, ils descendirent la colline, clopin-clopant, en donnant de joyeux petits coups de bâton sur toutes les pierres du sentier.

Ce qui précède se réfère principalement à une tradition tenue pour historique par Diogène Laerte, écrivain grec du troisième siècle après J.-C., dans une oeuvre classique, La vie de grands phi­losophes (vol. 1, p. 110). Les éléments de base rapportés par Diogène sont les suivants : Epiménide, héros crétois, répondit à une demande qui lui était transmise d’Athènes par un homme du nom de Nicias, selon laquelle on désirait son conseil pour lutter contre un fléau. Une fois à Athènes, Epiménide se fit amener un troupeau de moutons noirs et blancs qu’il lâcha sur la colline d’Arès avec l’ordre de suivre ces moutons et de marquer l’endroit où il s’en coucherait un.

Apparemment, le but d’Epiménide était de donner au dieu concerné par le fléau l’occasion de révéler qu’il voulait bien apporter son aide, en faisant se coucher les moutons de son choix, comme signe qu’il accepterait ces moutons en sacrifice.

Pour ne pas prendre un moment de la journée où il était naturel que les moutons se couchent, on présume qu’Epiménide fit son expérience tôt le matin, au moment où ils sont le plus affamés.

Un certain nombre de moutons se couchèrent et furent offerts en sacrifice sur des autels sans dédicace, construits tout spéciale­ment pour la circonstance. Ainsi, le fléau quitta la ville.

D’autres détails de ce récit sur la cause de la peste figurent dans les notes en bas de page d’un éditeur du Livre de Rhétorique d’Aristote (3, 17: 10) qui se trouve à la Bibliothèque Classique Loeb (traduit par J. H. Freese et édité à Cambridge, Massachu­setts). L’explication selon laquelle c’est bien l’oracle pythien qui ordonna aux Athéniens d’appeler Epiménide se trouve dans les Lois de Platon, ouvrage déjà cité plus haut.

Diogène Laerte, lui, ne dit pas que les mots agnosto theo furent inscrits sur les autels. Il affirme seulement que « l’on peut trouver en différents endroits de l’Attique des autels sans aucune inscrip­tion, dressés en mémoire de ce sacrifice. »

Toutefois, deux autres écrivains anciens — Pausanias, dans sa Description de la Grèce (Vol. 1, 1:4) et Philostrate, dans son Appolonius de Tyane mentionnent des « autels au dieu in­connu », ce qui suppose qu’ils portaient une inscription.

Le fait que cette inscription fut gravée sur au moins un autel à Athènes est confirmé par un historien du premier siècle, nommé Luc. Dans sa narration des aventures de Paul, l’apôtre chrétien de renom, Luc décrit un événement qui prend un relief impression­nant après ce que l’on vient de raconter sur Epiménide.


[1] Colline d’Arès ou Colline du dieu Mars.

Matthieu Nugues, l’emprise des tatouages

Déjà vers l’âge de 10 ans, je m’amusais à dessiner mon amertume. Je le faisais sur mes bras et exprimais ainsi ma révolte face à la vie tout comme ma soif inextinguible de liberté. Peu à peu, l’envie grandit en moi de me tatouer. Pour moi, c’était une manière d’imprimer ma vision de la vie, de façon indélébile, sur ma peau.


J’admirais les hommes tatoués car, à mes yeux, ils étaient pleinement libres – libres de faire ce qu’ils voulaient, où ils voulaient, quand ils voulaient. A l’âge de 17 ans, je suis passé à l’acte. Je désirais faire tatouer tout mon corps et gagner ma vie en tatouant les autres. Pour moi, c’était devenu une idée fixe.


Certains de ces tatouages exprimaient mon rejet du système familial et judiciaire, car toute ma vie ressemblait alors à un véritable enfer ; amertume, haine, désirs de vengeance et révolte face à la société et à l’injustice, je me sentais exclu, rejeté par mes proches, même par mes camarades d’école. J’avais des copains… mais peu.


D’une certaine façon, il fallait que je prouve à mon entourage que j’étais quelqu’un ; je ne voulais pas passer pour un nul. Un jour, je m’étais tatoué un poignard de la vengeance en jurant de tuer quelqu’un qui m’avait blessé profondément ! Peu de temps après ma rencontre avec Jésus, j’ai prié pour demander pardon à Dieu de m’être réservé le droit de la vengeance.


Grâce à ces marques, je voulais également démontrer que j’appartenais à une certaine couche de la société que j’admirais : les marginaux.


Pourtant, cinq ans plus tard, j’ai dû me rendre à l’évidence : les tatouages ne m’avaient pas donné la liberté ; bien contraire, ils n’étaient que les marques de mes mauvais choix (haine, vengeance, crainte, etc.).


Matthieu Nugues

Son tatouage disparaît

Un serviteur de Dieu (pasteur) a raconté le miracle suivant :

« Un homme violent, tatoué sur une grande partie de son corps, se convertit au contact de l’Evangile. Quelques temps après, il demande le baptême d’eau pour confirmer son changement de vie.

Juste après son baptême par immersion, alors qu’il se changeait, il revint en courant dans l’église torse nu. Toutes les personnes présentes virent de leurs yeux que le grand tatouage représentant une tête de bouc avait disparu. » D’autres de ses tatouages étaient restés visibles.

Dieu manifeste sa gloire… Comme l’a dit un autre homme tatoué qui avait pris son baptême le même jour que celui qui a vu une partie de son tatouage disparaître : « Mes tatouages sont tous restés pour servir de témoignage de ce que j’étais avant de rencontrer mon Sauveur. »

Selon les tatouages, la zone du corps couverte, il peut être utile de consulter un dermatologue pour en enlever certains. Ce pourra être une preuve du changement intérieur qui s’est opéré.


Mais, même avec les marques que nous pourrions continuer à porter, Dieu peut se glorifier de qui s’est produit dans nos vies, en nous faisant porter des fruits pour la vie éternelle.

Les barbiers n’existent pas

Un homme entra dans un salon de coiffure pour se faire couper les cheveux et tailler sa barbe comme il le faisait régulièrement.

Il entama la conversation avec le barbier. Ils discutèrent de sujets nombreux et variés.

Soudain, ils abordèrent le sujet de Dieu.  Le barbier dit :

 « Écoute, je ne crois pas que Dieu existe comme tu le dis. »

« Pourquoi dis-tu cela?  » répondit le client. »

« Bien, c’est facile, tu n’as qu’à sortir dans la rue pour comprendre que Dieu n’existe pas. Dis-moi, si Dieu existait, y aurait-il tant de gens malades ? Y aurait-il tant d’enfants abandonnés? Si Dieu existait, il n’y aurait pas de souffrance ni de peine. Je ne peux penser à un Dieu qui permet toutes ces choses. »

Le client s’arrêta un moment pour penser mais il ne voulut pas répondre pour éviter toute confrontation. Le barbier termina son travail et le client sortit du salon.

Tout de suite après sa sortie, il vit un homme dans la rue avec de longs cheveux et une barbe (il semblait bien qu’il avait été longtemps sans s’être occupé de lui-même car il avait l’air vraiment négligé).

Le client retourna dans le salon et dit au barbier:

« Tu sais quoi ? Les barbiers n’existent pas. »

« Comment ça, les barbiers n’existent pas ? demanda le barbier. Ne suis-je pas ici et ne suis-je pas un barbier moi-même ? »

« Non! s’écria le client. Ils n’existent pas parce que s’ils s’existaient, il n’y aurait pas de gens avec de longs cheveux et la barbe longue comme cet homme qui marche dans la rue. »

« Ah, les barbiers existent. Ce qui arrive, c’est que les gens ne viennent pas à moi. »

« Exactement! affirma le client. Tu l’as dit : Dieu existe. Ce qui arrive c’est que les gens ne vont pas vers LUI et ne LE cherchent pas, c’est pourquoi il y a tant de souffrance dans le monde. »

La déception du changement d’orientation

Un missionnaire, engagé dans avec son foyer sur un champs missionnaire étranger depuis de nombreuses années, se voit un jour obligé, avec sa femme, de ren­trer au pays. Il est alors confronté à une forte déception :

« j’ai perdu tous mes repères, dit-il. Je n’avais au­cun but. Plus rien ne me semblait important. Quand, ma femme et moi, nous nous som­mes rendu compte que nous ne pourrions plus être missionnaires, nous étions anéantis. »

Après quelques temps et la prise de conscience que la dépression risquait d’emboîter le pas à cette grande déception, le couple réagit :

« Nous avons fini par établir deux priorités :

  • pren­dre soin de maman ;
  • persévérer en temps que témoins fidèle autour de nous là où nous nous trouvons.

Quand il nous faut prendre des dé­cisions, nous envisageons l’effet qu’elles au­ront sur ces priorités, ce qui nous simplifie les choses. »

Se tenir devant Dieu pour être consolé et écouter nous permet de voir le plan de Dieu se dessiner…

Lorsqu’un peintre commence un tableau, il travaille par petites touches éparses, avec des traits, des contours, des couleurs. Au départ, le tableau du peintre ne représente rien pour un œil extérieur… Mais au fur et à mesure qu’il travaille dessus, les formes se distinguent, les couleurs de marient… et tous finit dans une harmonie et un équilibre que tous peuvent apprécier. Avec Dieu, bien souvent il en est de même : Il n’agit jamais par « hasard », mais Il a un but, un dessein divin… Laissons-nous diriger entre Ses doigts agiles et au fur et à mesure des évènements qui passent, notre vie deviendra Son œuvre pour l’avancement de Son royaume.

Un miracle pour des chaussures !

Je raconterai un témoignage, qui s’est passé pendant mon travail pour le Seigneur à Cincinnati. Je recevais des vêtements pour les pauvres, et je les distribuais. Je me rendis à Mount Lookout, un faubourg de Cincinnati, et une sœur qui habitait là me donna quelques vêtements. Au cours des semaines précédentes, j’avais remarqué qu’une Chrétienne fidèle de notre assemblée n’était pas venue depuis quelque temps. J’allai la visiter pour voir ce qui se passait. Je la trouvai en train de faire sa lessive. Je lui fis remarquer qu’elle n’était pas venue à plusieurs réunions, ce qui était plutôt inhabituel. C’était une pauvre femme. Elle avait trois enfants, et devait payer son loyer. Elle ne nous avait jamais permis de l’aider, car nous avions l’habitude d’aider ceux qui traversaient des moments difficiles. Comme elle répugnait à donner la raison de son absence, je remarquai qu’elle avait des chaussures en piteux état.

Je finis par lui dire :

  • “Ma Sœur, est-ce que ce sont les meilleures chaussures que vous avez ?” Elle rougit et me tourna le dos, me faisant comprendre que c’étaient effectivement les meilleures.

Elle me dit :

  • “Frère Bevington, je dois admettre que ce sont mes meilleures chaussures. Je m’attends à avoir une nouvelle paire de chaussures la semaine prochaine, mais il faut que j’habille et que je nourrisse mes enfants, sans tenir compte de mon besoin !”

C’était un mercredi soir. Quand je revins dans ma chambre, je commençai à prier pour qu’elle ait une nouvelle paire de chaussures. Je n’en avais aucune me paraissant en assez bon état pour lui en faire cadeau. Ceci me poussa à intensifier ma prière.

Je pris mon petit-déjeuner, heureux et convaincu de par ce que Dieu avait placé en mon cœur de savoir que ma sœur aurait une paire de chaussures neuves pour la réunion du vendredi soir. C’était notre réunion d’évangélisation habituelle. En me rendant à la Mission, je fus un peu retardé, et je n’y arrivai que vers dix heures du matin. Je me rendis à la salle de prière.

L’une des monitrices des enfants sortit et me dit :

  • “Il y a une dame qui veut vous voir.”

Celle-ci vint dans le hall principal et me dit :

  • “Frère Bevington, j’ai acheté une paire de chaussures ce matin, mais l’une d’elles a au moins deux tailles de plus que l’autre. Elles ont l’air d’être pareilles, mais elles ne le sont pas. Celles que j’ai essayées au magasin m’allaient pourtant très bien. Je n’étais pas loin d’ici, et j’ai eu envie de voir le travail que vous faites auprès des enfants. Pendant que je vous attendais, j’ai voulu mettre mes chaussures neuves pour rentrer chez moi. C’est alors que j’ai découvert qu’il y en avait une beaucoup plus grande que l’autre.”

Je lui dis :

  • “Que le Seigneur soit loué ! J’ai prié toute la nuit dernière pour une paire de chaussures et je pense que ce sont celles-ci !”
  • “Oui, Frère Bevington, mais je n’ose vraiment pas donner de telles chaussures à quelqu’un ! Je n’ai pas envie non plus de les rapporter au magasin !”

Elle était bien trop fière pour les rapporter. Aussi décida-t-elle de voir si je pouvais en faire un bon usage.

Je lui dis :

  • “Je connais une pauvre femme qui a besoin de chaussures. Elle pourra facilement mettre un rembourrage en coton dans la plus grande. Je crois que la petite est tout à fait à sa taille.”
  • “Les voici, prenez-les !”

Mais je voulais que ce soit elle-même qui aille voir la pauvre femme. Je pensais qu’elle pourrait l’aider dans beaucoup de domaines. J’insistai donc pour qu’elle porte les chaussures elle-même, car elle devait passer non loin de sa maison pour prendre son tramway.

Elle finit par prendre les chaussures et se dirigea vers la maison de cette pauvre femme. Elle la trouva en train de repasser.

Elle se présenta et dit :

  • “Le Frère Bevington m’a envoyée ici pour une mission bien embarrassante !”

Elle sortit les chaussures, sans dire à la femme qu’il y en avait une plus grande que l’autre.

Pendant tout le temps qu’elle lui parlait des chaussures et d’autres choses, la pauvre femme se disait : “Que faire ? Je ne pourrai pas porter ces chaussures ! Mon pied droit est plus court que l’autre d’au moins deux pointures, et je n’ose pas le lui dire !” Elle se décida pourtant à prendre les chaussures. Peut-être pourrait-elle les échanger.

L’autre femme partit. Mais elle sentit qu’elle devait dire la vérité à sa sœur. Elle retourna donc lui dire comment étaient les chaussures. L’autre se mit à rire de bon cœur et dit :

  • “Laquelle est la plus grande ?”
  • “La gauche.”

Elle rit de plus belle et dit :

  • “Merveilleux, merveilleux ! Dieu connaît réellement toutes choses ! Mon pied gauche a presque deux pointures de plus que l’autre ! C’est exactement ce dont j’avais besoin. Gloire à Dieu !”

Je ne savais pas que ses pieds n’avaient pas la même taille, mais Dieu le savait. Voyez-vous tout ce qu’Il fit pour exaucer ma prière de toute une nuit ? N’est-ce pas suffisant pour nous convaincre qu’Il sait parfaitement ce qu’Il doit faire ?

J’ai exercé un ministère de délivrance

En 1977, j’exerçais un ministère spécialisé dans la guérison intérieure et la délivrance. Les gens venaient de toute l’Amérique pour chercher à être libérés des voix qu’ils entendaient, de toutes sortes d’addictions, de traumatismes émotionnels produits par des blessures passées ou des abus qu’ils avaient dû subir, et de nombreux autres liens spirituels. A cette époque, notre ministère était considéré comme étant « à la pointe du progrès » dans le domaine du combat spirituel. Notre église était une communauté chrétienne où tout le monde pouvait venir vivre avec d’autres Chrétiens pour y trouver la guérison.

A peu près vers la même époque, une sœur vint d’un autre Etat pour demeurer dans notre centre de délivrance, en vue d’y recevoir la prière pour sa délivrance. Elle avait grandi dans une famille profondément engagée dans l’occultisme, et ses parents lui avaient donné le prénom d’une déesse grecque. Quand elle nous a téléphoné, elle s’efforçait de se libérer de ses liens spirituels occultes, et elle était attaquée par des mauvais esprits qui refusaient de la laisser tranquille. Ces esprits se manifestaient à travers elle en sifflant comme des serpents et en nous accablant de sarcasmes. Nous découvrîmes rapidement que les démons qui la tourmentaient étaient puissants et n’avaient aucune intention de la quitter. Deux d’entre nous prirent la responsabilité de s’occuper de cette sœur. Après l’avoir guidée dans diverses prières, nous avons directement attaqué certains démons, en leur ordonnant de partir au Nom de Jésus. Cette sœur en éprouva un certain soulagement.

Peu après, à la fin de l’une de nos réunions du mardi soir, il se produisit l’événement le plus extraordinaire de notre rencontre avec cette sœur. La plupart des Chrétiens étaient déjà partis, mais elle voulut rester pour que l’on prie encore pour elle. Avant même que nous ayons pu commencer, elle fut saisie par un esprit très violent. Sa physionomie changea, sa voix n’était plus la même, son visage était contorsionné, et ses mains étaient tordues comme des serres d’oiseau de proie. Elle poussa un grand cri et se mit à me charger, dans l’intention de me lacérer le visage avec ses ongles. Pendant qu’elle hurlait et qu’elle courait vers moi en traversant la salle, le frère qui s’occupait d’elle et moi-même, nous sommes restés fermes et lui avons dit : « Stop, au Nom de Jésus ! » Parvenue à quelques dizaines de centimètres de nous, elle fut arrêtée par un mur invisible, et s’écroula à terre en gémissant. Nous avons alors prié pour elle, en demandant à Dieu de la libérer.

Nous avions rencontré beaucoup de cas de manifestations démoniaques dans notre ministère, mais celui-ci était le plus violent. Aujourd’hui, quand je repense à cet événement, je sais que le plus important, ce n’est pas ce qui s’était passé ce soir-là, mais ce qui se passa le lendemain. Le lendemain, elle se sentait bien mieux, et elle voulut nous parler avant de rentrer chez elle. Elle me dit : « Bob, Satan a très peur de toi ! Tu as une grande puissance et une grande autorité ! » A l’époque, je n’avais pas compris la signification réelle de ces phrases, comme je peux la comprendre aujourd’hui. A ce moment-là, j’étais entièrement conditionné par la mentalité du « combat spirituel », alors qu’aujourd’hui, j’ai pris conscience de la valeur de la Providence divine. Nous interprétons tout ce qui nous arrive en fonction du système de pensée qui est le nôtre.

J’ai pu interpréter les déclarations de cette sœur comme la confirmation que j’étais en train de réussir, conformément aux enseignements des leaders du « combat spirituel ». J’avais 27 ans, et j’étais devenu un puissant guerrier, équipé pour aller combattre toutes les forces adverses que Satan pouvait envoyer contre moi. Je fus donc tellement « gonflé » par cette délivrance que je passai les deux ou trois années suivantes à m’occuper de dizaines de personnes en souffrance. Beaucoup se trouvaient dans d’horribles liens spirituels. Jour et nuit je chassais les démons, je m’attaquais aux puissances des ténèbres, et j’aidais les gens à s’échapper des griffes des démons. Cette sœur rentra chez elle, et je n’entendis plus parler d’elle. Pendant plusieurs années, j’exerçais ainsi mon ministère, sans me ménager, auprès de tous ceux qui en avaient besoin autour de moi.

Afin de continuer à améliorer mon ministère de délivrance, j’ai lu les livres écrits par ceux qui avaient plus d’expérience que moi. J’ai pu ainsi mieux comprendre « comment les démons travaillaient ». Toutefois, beaucoup de personnes que je conseillais continuaient à avoir des problèmes avec les démons, malgré de nombreuses sessions d’exorcisme. Il fallait donc aller beaucoup plus loin dans le développement de stratégies plus efficaces. Les batailles ne sont pas toujours faciles à gagner. Dans une guerre, il y a toujours des revers. Certains enseignements que je faisais étaient très bibliques : la repentance, le pardon, l’étude de la Parole de Dieu, et le développement de justes relations au sein du Corps de Christ. En outre, dans mon ministère, je devais aider les gens à faire des choix sages pour leur vie.

Pendant cette même période, je visitais ceux qui étaient enfermés dans les hôpitaux psychiatriques de ma région. J’avais conseillé tellement de personnes à problèmes qu’une fois, en visitant le plus grand hôpital de ma région, j’y rencontrai trois personnes que j’avais personnellement connues.

Pendant toutes ces années où je croyais au système de pensée du combat spirituel, j’avais remarqué que les mêmes personnes continuaient à avoir les mêmes problèmes. En cherchant à me perfectionner dans l’approche de la délivrance, je lis un livre écrit par un Chrétien célèbre, qui prétendait avoir reçu des révélations divines. J’ai longtemps accepté cette « vérité » de la passivité des chrétiens engendrant la démonisation dans mes méthodes de conseil, croyant que c’était cette  passivité qui faisait sans cesse retomber les mêmes personnes sous l’esclavage des démons. J’ai donc développé des techniques pour que les gens cessent d’avoir une volonté passive, afin que les démons ne puissent plus les influencer. Aujourd’hui, je ne crois plus en la validité de ce que je faisais alors.

Pourtant, j’ai constaté un problème : les gens « passifs », par nature, ne me semblaient pas avoir une volonté forte, et rien n’y changeait. Ils continuaient toujours à se sentir opprimés par les démons, et se lamentaient de leur incapacité à surmonter leur « passivité ». A cette époque, je ne me rendais pas compte qu’en demandant aux gens d’avoir une volonté plus forte, je ne faisais que jeter de l’huile sur le feu. Le système de pensée du combat spirituel m’avait égaré si loin que je ne voyais plus la pertinence de ces simples versets des Ecritures : « Ainsi parle l’Eternel : Maudit soit l’homme qui se confie dans l’homme, qui prend la chair pour son appui, et qui détourne son cœur de l’Eternel !… Béni soit l’homme qui se confie dans l’Eternel, et dont l’Eternel est l’espérance ! » (Jr 17 : 5, 7).

Selon la théorie que j’enseignais, l’une des « lois spirituelles » de l’univers affirmait que ceux qui avaient une volonté passive devenaient la proie des démons, même s’ils étaient Chrétiens. Pour être libre, il fallait avoir une forte volonté. On ne pouvait plus faire confiance à Dieu pour être libre, mais il fallait avoir une forte volonté. Dieu se trouvait lié par une loi spirituelle qu’Il avait Lui-même créée.

Lorsque je croyais au système de pensée du combat spirituel et que je pratiquais la délivrance, je croyais à la validité de tout ce que je faisais, à cause de la vive réalité des démons qui se manifestaient, et parce que les gens étaient libérés au Nom de Jésus. Beaucoup de gens se sentaient mieux après les réunions de délivrance. Ils étaient venus dans un état misérable, et quittaient nos réunions avec un sentiment d’amour et de liberté. Je croyais donc que nous étions en train de les aider. Je ne doute pas de la sincérité de Bob Larson et d’autres qui travaillent comme lui. Je ne doute pas non plus de la réalité des histoires qu’ils racontent. Ce que je remets à présent en question, c’est le système de pensée qui sous-tend leur ministère, et qui n’est pas biblique. Il est vrai qu’il existe tout un monde invisible qui a ses lois, et que ces lois gouvernent les démons et tous les niveaux de la hiérarchie satanique. Mais faut-il découvrir et exploiter toutes ces lois pour avoir la victoire sur Satan ? Avons-nous besoin de ministères de délivrance entraînés et spécialisés, pour libérer les captifs de Satan ? Plus loin, je vous expliquerai de quelle manière mon ministère a dû complètement changer, quand j’ai commencé à mettre en doute les fondations doctrinales sur lesquelles il s’appuyait.

Quand j’étais dans ce mouvement, nous voulions acheter un terrain dans l’une des banlieues de notre ville. Comme nous avions des problèmes pour conclure cet achat, nous avons convoqué une réunion d’intercession qui devait durer toute la nuit. Vers le milieu de la nuit, quelqu’un a reçu une révélation, selon laquelle une principauté nommé « Manitou » contrôlait notre ville. C’était « Manitou » qui nous empêchait d’acheter notre terrain. Cette principauté régnait sur la ville, parce que les Indiens avaient auparavant pratiqué ici leur religion. Nos dirigeants nous ont donc demandé de chasser cet esprit de Manitou de la ville, afin que nous puissions la conquérir pour Dieu. La conclusion heureuse de notre achat nous « prouva » que nos prières avaient été efficaces. Cela nous a confortés dans notre conviction que nous avions de révélations spéciales pour chasser les principautés des villes qu’ils contrôlaient.

Pour ceux qui ont accepté le système de pensée du combat spirituel, de telles pratiques se justifient parfaitement. Tout ce que l’on doit accomplir dépend d’une interaction complexe entre toutes sortes de démons, de principautés et de lois qui contrôlent le monde spirituel. Aucun domaine de notre vie n’échappe à ces lois.

Par exemple, considérez la description que fait Bob Larson d’une personne dont il avait conduit la délivrance. Cette personne avait plusieurs personnalités fragmentées, et était liée par des démons. Elle souffrait d’une « dissociation » de sa personnalité. L’un des démons qui la contrôlaient s’appelait le « Portier ». Il permettait à tous les démons qui avaient été chassés de revenir. Larson décrit la cause de ce désordre de la personnalité, et montre comment il avait appris à parler aux diverses personnalités fragmentées qui composaient cette personne. Certaines de ces personnalités s’appelaient « Facilitateur » et « Régulateur ». Larson pensait que les démons qui contrôlaient cette personne pouvaient posséder certaines de ces personnalités multiples. Voici ce qu’il explique : « En ce qui concerne ces personnalités multiples, il y en a des bonnes et des mauvaises. Les ‘bonnes personnalités’ forment une partie de la conscience globale de cet individu. Ces ‘bonnes personnalités’ ont accepté Christ comme Sauveur. Mais les ‘mauvaises personnalités’, pour une raison ou une autre, refusent de se soumettre au Seigneur ».

Cette situation complexe oblige le « technicien spirituel » à « trier dans ce fouillis, pour obtenir le concours des bonnes personnalités, afin de gagner à Dieu les mauvaises personnalités ». Larson demande à l’une des personnalités fragmentées de son client de l’aider à identifier les « personnalités ténébreuses ». Il entreprit ensuite la tâche incroyablement compliquée de « trier » les démons et les fragments de personnalités au sein de cette personne. Il réussit même à conduire à Christ « Facilitateur ». Larson réveille ensuite des souvenirs enfouis, découvre les raisons légales qui ont permis aux démons d’entrer, ainsi que les noms des démons cachés. Voici l’une des prières qu’il a faites pour aider cette victime à trouver sa liberté : « Je commande aux anges de Dieu de rechercher et de tourmenter cet esprit de douleur. Je lie Douleur au démon Régulateur, et je leur commande d’éprouver tout le tourment dont ils ont affligé Randall. Je multiplie ce tourment par sept ! ».

Il me semble que si ce système de pensée du combat spirituel est vrai, et si les prétentions de ses « prêtres spirituels » sont vraies, alors nous sommes plongés dans de sérieux problèmes, sans aucun espoir sérieux d’en sortir ! Il faut interroger les démons pendant des années pour connaître les « règles », étant donné que les informations nécessaires pour les chasser efficacement ne sont ni révélées par les Ecritures ni accessibles par les moyens ordinaires.

Quant à moi, je m’épuisais littéralement à essayer de « faire coller » tous les détails du combat spirituel pour qu’il soit efficace. Je compris qu’il me fallait me convertir à un autre système de pensée, en ce qui concernait le monde que Dieu avait créé et qu’Il gouvernait. Cette conversion transforma le « technicien spirituel » que j’étais en prédicateur de l’Evangile.

Deux ans après cette « délivrance » où j’avais appris que Satan avait peur de moi, j’étais complètement usé par les longues journées et nuits passées à aider les gens à sortir de leurs liens. Je recevais des appels pendant la nuit, lancés par des gens qui avaient des problèmes urgents. Je ployais sous le nombre des cas dont je devais m’occuper. Certaines personnes avaient constamment besoin d’aide. Une seule personne très chargée pouvait nous vider de notre énergie émotionnelle et spirituelle. Je m’occupais souvent de 15 personnes par semaine.

A cette époque, l’une de ces personnes tournait vraiment mal. Cette femme quittait souvent son mari et ses enfants, le soir, pour aller courir dans les bars et rencontrer des hommes. Elle était passée par tous les ministères que nous pouvions lui offrir. Son mari m’appelait désespérément et me demandait de l’aide, parce qu’elle était en train de le détruire, et de détruire leurs enfants. Une nuit, cette femme m’appela vers trois heures du matin en m’accusant de tous ses problèmes, parce que j’étais un « très mauvais conseiller ». Il me sembla que je ne pouvais plus en supporter davantage. Je criai à Dieu, et je fis à peu près cette prière : « Seigneur, je veux réellement aider cette femme, comme tant d’autres. J’ai prié pour elle, je l’ai conseillée, je l’ai aidée, j’ai aidé sa famille de toutes sortes de manières pratiques, et j’ai chassé ses démons. J’ai fait tout ce que je savais faire. Mais je n’en peux plus. Si je n’obtiens pas de meilleurs résultats, je ne pourrai plus rester dans le ministère ! »

Dieu répondit à ma prière en attirant mon attention sur un passage de l’Ecriture. Depuis ce jour, ma vie et mon ministère ont été transformés ! Je ne le savais pas à l’époque, mais ce fut à ce moment-là que j’abandonnai le système de pensée du combat spirituel, pour me convertir au système de pensée de la Providence divine, comme je préfère l’appeler. Voici le passage que le Seigneur me montra :

« Or, il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles ; il doit, au contraire, avoir de la condescendance pour tous, être propre à enseigner, doué de patience ; il doit redresser avec douceur les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité, et que, revenus à leur bon sens, ils se dégageront des pièges du diable, qui s’est emparé d’eux pour les soumettre à sa volonté » (2 Timothée 2 : 24-26).

Le processus fut immédiat, en ceci que je suivis aussitôt l’enseignement de ce verset dans mon ministère de conseil auprès des Chrétiens. Mais il fut lent, en ce sens que ma conversion au système de pensée de la Providence divine ne fut complète qu’en 1986, quand je compris que ma pensée arminienne[1] concernant le libre-arbitre total de l’homme n’était pas biblique, et ne laissait pas assez de place à la souveraineté de Dieu. Je dus faire pour cela une étude détaillée de l’épître aux Romains. D’après le système de pensée de la Providence divine, Dieu contrôle toujours parfaitement Son univers, et le conduit sûrement vers l’objectif final qu’Il a Lui-même fixé (Ep 1 : 11).

La première chose qui m’a frappé dans ce passage fut la description de ceux dont le diable s’était emparé, pour les soumettre à sa volonté. Je me rendis compte que personne ne pouvait être aussi lié que cette femme. C’est son état qui m’avait poussé à remettre en question tout ce que je pratiquais jusque-là.

La seconde chose qui me vint à l’esprit en relisant ce passage fut de voir de quelle manière il pouvait s’appliquer à ma situation. Paul montrait à Timothée de quelle manière il fallait s’occuper de ceux qui avaient de sérieux problèmes dans l’église, et qui causaient des problèmes à Timothée. C’était précisément ma situation. L’exorcisme et la délivrance ne sont jamais utilisés dans le Nouveau Testament comme la thérapie normale pour les Chrétiens nés de nouveau !

La troisième chose que j’appris en méditant ce passage fut de voir comment on peut échapper aux griffes de Satan. Ce fut cela qui me fit abandonner le système de pensée du combat spirituel, pour adopter celui de la Providence divine. Les Chrétiens qui sont liés par Satan ne peuvent lui échapper que si Dieu leur accorde la repentance ! Cela me choqua quand je le compris réellement pour la première fois. Il est bien écrit : « dans l’espérance que Dieu leur donnera la repentance ». Auparavant, je croyais que si les choses ne changeaient pas, c’était pour l’une des deux raisons suivantes :

  1. C’était moi qui étais un mauvais conseiller, et qui devais acquérir de meilleures techniques de délivrance, ou
  2. c’était la victime qui faisait tout capoter parce qu’elle ne suivait pas mes prescriptions, laissant ainsi rentrer en elle sept démons plus méchants ! Nous tournions constamment en rond pour essayer de voir laquelle de ces deux raisons pouvait expliquer nos échecs. Je compris enfin que si Dieu leur accordait la repentance, ceux qui étaient esclaves de Satan pouvaient lui échapper. Sinon, ils ne le pouvaient pas. J’avais trouvé la solution biblique ! Pourquoi certains pouvaient recevoir la repentance, et d’autres pas, cela restait un secret que je ne connaissais pas, et que Dieu n’était pas obligé de nous révéler (Dt 29 : 29).

Toutefois, comme je ne savais pas si Dieu allait accorder la repentance à telle ou telle personne, je pouvais toujours penser qu’il pouvait l’accorder à tous les cas que j’allais rencontrer. Cela m’encouragea, et me permit de comprendre une quatrième chose : comment conseiller de telles personnes. Paul écrit : « Or, il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles ; il doit, au contraire, avoir de la condescendance pour tous, être propre à enseigner, doué de patience ; il doit redresser avec douceur les adversaires ». Nous avions l’habitude de nous lever à deux heures du matin, avec deux ou trois autres anciens, pour maîtriser une personne démonisée qui hurlait et se débattait, et crier : « Sors, esprit méchant, au Nom de Jésus ! » Plus tard, je me dis que ce n’était pas une manière d’être « doué de patience, et de redresser avec douceur » ces personnes ! Depuis lors, j’ai compris que Dieu, pour délivrer ceux qui sont liés par Satan, veut que nous leur annoncions Son Evangile, dans toutes ses implications. Je pouvais donc enseigner patiemment la vérité, en faisant confiance à Dieu pour qu’Il utilise Sa Parole pour changer les vies. Dieu peut délivrer des griffes de Satan les pécheurs les plus démonisés, par la seule puissance de l’Evangile (voir Col 1 : 13 et Ep 2 : 1-5). Auparavant, puisque ces personnes étaient Chrétiennes, et qu’elles étaient encore dans les liens, je pensais que le simple Evangile ne suffisait pas à les délivrer, et qu’il fallait avoir recours à des techniques et des procédés spéciaux pour les libérer. Maintenant, je crois en la puissance de l’Evangile.

Ce qu’il y a de merveilleux avec la vérité de l’Evangile, c’est qu’on peut l’annoncer à un autre moment qu’à trois heures du matin, à des gens qui se défoncent ! Je ne sortis plus en pleine nuit pour aller chasser les démons d’une personne qui cherchait à m’attendrir. Je commençai à corriger cette femme dérangée en lui disant qu’elle avait besoin de se repentir, de faire confiance à Dieu et à Sa grâce, et de Lui obéir. C’était un péché de quitter son foyer le soir pour aller s’enivrer dans les bars avec des étrangers ! Elle finit par divorcer de son mari, et passa les vingt années suivantes à s’enfoncer toujours plus dans le péché. Mais je savais que je n’en étais pas responsable. Il fallait soit qu’elle accepte l’Evangile, soit qu’elle continue à vivre sous l’esclavage de Satan. Seul le plan parfait de Dieu peut guérir une âme humaine. Il n’y a aucun autre plan de remplacement ! Cette femme peut toujours se repentir et échapper au diable. Si elle le fait, ce sera par la grâce de Dieu et en obéissant à l’Evangile, et non par l’intervention d’un SAMU spirituel !

Bob DeWaay


Note :

[1] L’arminianisme est une doctrine protestante fondée à la fin du XVIe siècle par Jacobus Arminius. Cette doctrine se base sur l’idée que la détermination de la destinée de l’homme par Dieu n’est pas absolue. L’acceptation ou le refus de la grâce par l’homme joue ainsi un rôle dans sa justification. En l’annonçant, Jacobus Arminius s’oppose aux idées de Jean Calvin sur ce sujet de la prédestination.

L’arminianisme sera l’un des fondements doctrinaux de la Fraternité remonstrante, et, beaucoup plus largement, aussi bien du méthodisme (et, à travers lui, du pentecôtisme) que du protestantisme libéral.

Tout ce qui nous arrive

Les bons ou mauvais événements sont dirigés par Dieu. Cependant, il est parfois difficile d’en prendre conscience lorsque l’on a des contrariétés, des soucis, etc…

Il faut savoir prendre un peu de recul dans chaque situation, pour arriver à voir la main de Dieu. Les histoires de la providence divine ne manquent pas… En voici une parmi tant d’autres… L’histoire d’une suite d’événements agaçants qui, en fin de compte, se révèlent être, non seulement voulus par Dieu, mais aussi être pour le bien de l’homme.

 »Je suis chauffeur de taxi. Israélien d’origine, installé à Londres. Un jour, je fus envoyé à Stamford-Hill pour y prendre une famille et l’ accompagner à l’aéroport. Là-bas, elle devait prendre l’avion pour l’ Amérique.

Pendant ce voyage vers l’aéroport, un fait assez banal se produisit : l’un de mes pneus éclata, et il fallut changer la roue. Je m’arrêtai donc, et remplaçai la roue défectueuse par la roue de secours. Mes clients étaient plutôt impatients, ce qui se comprend, et je le fis donc le plus rapidement possible, et repris la route.

Mais, évènement déjà moins banal, un second pneu éclata, et là…Je ne savais plus quoi faire. Je n’avais pas de seconde roue de secours. C’en était trop pour mes pauvres clients qui se mirent a crier :  »C’est incroyable ! Vous ne pouviez pas vérifier vos pneus avant de prendre la route ? Quelle manque de responsabilité ! Vous voulez nous faire rater l’avion, ou quoi ? ». Mais, de toute évidence, je n’avais pas le choix : il fallait que je me rende, a pied, a la station-service la plus proche pour acheter un pneu. A mon retour, je vis que mes clients n’avaient pas réussi a arrêter un autre taxi, et ils remontèrent donc en voiture avec moi, non sans m’avoir réservé un accueil des plus  »chaleureux » ! En chemin, mes clients n’arrêtaient pas :  » Plus vite, plus vite ! Mais bon sang, vous ne pouvez vraiment pas aller plus vite ? ». J’espérais de tout mon coeur les déposer à l’heure à l’ aéroport.

Mais tout d’un coup, je crus rêver : on entendit un grincement, puis un éclat de verre… Nous n’en croyions pas nos yeux, mais la réalité était bien là : le camion qui était juste devant mon taxi, et qui transportait de grosses pierres, avait décidé de freiner subitement, sans raison. Une pluie de pierres tomba sur mon pare-brise qui se cassa en mille morceaux.

 

Mes clients acceptèrent, bon gré mal gré, que je prenne le numéro du camion et les coordonnées de son chauffeur, pour me faire rembourser cet accident.

Quand le chauffeur du camion s’approcha de ma voiture pour constater les dégâts, il ne manqua pas de se faire insulter par mes charmants clients dont les nerfs étaient a bout.

Apres 20 minutes, nous reprîmes la route, avec le pare-brise casse…
J’entendais les protestations, à l’arrière de la voiture :  »J’espère que vous n’aurez pas le toupet de demander a ce que nous payions cette course ».
J’appuyai à fond sur l’accélérateur, en priant qu’il n’arrive plus rien…

Je décidai de rouler sur la voie d’urgence, pour avoir une petite chance d’arriver à l’heure. Je l’avoue, ce n’était pas la première fois que je le faisais, bien que ce soit interdit, mais cette fois-ci… Vous l’avez deviné : j’entendis de toutes parts des sirènes.

La police m’obligea à arrêter le véhicule. Je descendis, et me mis a expliquer :  »Ecoutez, monsieur l’agent, je dois absolument amener ces personnes à l’aéroport. Ils sont très en retard et risquent de rater leur avion. Nous avons déjà dû remplacer deux pneus ! Regardez aussi notre pare-brise… » Mais le policier ne voulut rien entendre. Je lui proposai de lui laisser tous mes papiers et mon argent :  »Je les accompagne, et reviens aussitôt ». Mais il n’accepta pas non plus.

Apres 10 minutes d’attente et une amende, on put repartir. A en croire les chuchotements de mes clients à l’arrière, ils étaient déjà passe à la phase de désespoir et savaient qu’ils rateraient leur avion…

En arrivant à l’aéroport, leur avion venait de décoller, et je ne pus que demander a l’un de mes amis, qui travaillait sur place, de leur échanger les billets. Je tendis les nouveaux billets d’avion à la famille, et m’enfuis rapidement, honteux.

En remontant dans mon taxi, je priai que la journée continue un peu mieux que de la façon dont elle avait commencé. J’avais à présent, devant moi, une journée de réparations à faire au garage…

 

En repensant à ce qui s’était passé, il y avait quoi devenir fou ! Quel concours de circonstances ! Tellement d’évènements en un seul petit trajet…
C’était bien la première fois que les catastrophes se succédaient ainsi…

Quelques instants plus tard, j’appris que l’avion raté, de la compagnie  »Pan America » était tombé au-dessus de la ville de Loockerby… Il n’y avait
aucun survivant… Je me mis a pleurer en comprenant le miracle qui avait eu lieu… »

Notre petite vie, à nous, n’est pas faite de miracles aussi évidents, comme dans l’histoire, mais il suffit d’un exemple éloquent comme celui-ci pour nous permettre de comprendre que tout est dirigé, même quand nous n’avons pas compris, et ne comprendrons peut-être jamais, la raison de tel ou tel souci que nous avons…

L’ami qui n’avait pas oublié

Bruno et Pierre étaient de bons amis. A l’école, ils étaient assis l’un à côté de l’autre. Ils avaient également l’habitude de faire leurs devoirs ensemble. Bruno était un peu plus intelligent que Pierre et aimait lui donner un coup de main. Pendant les vacances, ils faisaient leurs révisions ensemble, et partageaient un lopin de terre qui leur était attribué et leur procurait des légumes qu’ils pouvaient vendre à leurs amis. Ils étaient tous les deux fils uniques et leurs mères s’étaient habituées à avoir plutôt deux enfants qu’un, bien qu’ils allassent le plus souvent dans la maison de Bruno : En effet chez Pierre, ce n’était pas toujours rose, sa mère étant si absorbée par ses propres soucis qu’elle paraissait parfois avoir du mal à s’occuper de son fils.

Les années passèrent. Bruno devint le premier de sa classe, alors que Pierre dut redoubler son année. Dès lors ce ne fut plus du tout évident pour les deux amis de se rencontrer. Bruno proposait encore son aide, mais Pierre n’avait pas l’air de vouloir s’en faire. En outre, Bruno devait travailler dur pour ses propres examens… Tout cela fit qu’ils se perdirent peu à peu de vue.

Bruno fréquenta le collège et entreprit des études de droit. Pierre alla de travail en travail, sans se montrer capable de réussir quoi que ce soit, et son père l’accablait tellement de reproches qu’il finit par ne plus rentrer à la maison. Il prit une chambre au centre-ville, à proximité de son bar favori, et se débrouilla tant bien que mal. A un moment donné il se maria, mais sa femme se fatigua bientôt de sa façon de vivre, et le quitta. C’est ainsi que passèrent encore bien d’autres années, et quand Bruno fut nommé juge au tribunal local, et qu’il acheta une grande maison pour lui et sa famille sur la colline derrière la ville, Pierre ne jugea pas même bon de se rappeler à lui par un coup de fil.

 

Mais ils allaient bientôt être destinés à se rencontrer, car la police avait un oeil sur Pierre. A une ou deux occasions, il avait été envoyé au poste pour ivrognerie et trouble de l’ordre public, et il y avait eu d’autres menus incidents. Il avait bien un petit boulot, mais cela ne lui suffisait guère pour vivre et avoir encore assez d’argent pour ses boissons et ses cigarettes, aussi avait-il eu recours au vol à l’étalage aux rayons d’alimentation.

 

Il faisait très attention de ne pas se faire prendre, jusqu’au jour où la police l’accosta juste devant le Prisunic et lui fit ouvrir son sac. Les saucisses qu’il avait volées lui furent confisquées ; il en fut peiné car il se voyait déjà en train de les frire pour son souper.

 

Il avait déjà comparu devant le tribunal auparavant, et cela lui importait peu d’y retourner, car d’une façon ou d’une autre, il était alors si épuisé que rien ne semblait plus l’inquiéter sinon le manque d’alcool. Personne d’autre ne se faisait du souci à son sujet, alors il ne voyait pas pourquoi lui s’en ferait. Une seule chose l’ennuyait, c’était la pensée de rencontrer Bruno.

 

« Mais ce sera peut-être quelqu’un d’autre, se dit-il. Et même si c’est lui, il m’aura probablement oublié. »

Mais ce ne fut pas quelqu’un d’autre. Ce fut bien Bruno, en grand tralala dans sa plus belle toge, et il n’était pas possible d’affirmer s’il avait oublié ou non, car Pierre évita soigneusement de rencontrer ces yeux gris et de soutenir ce regard perçant dont il se souvenait si bien.

 

« La seule personne qui se soit jamais réellement souciée de moi », pensa-t-il assez vaguement, et la voix rendant le jugement lui parut étrangement lointaine. C’était une amende plus lourde que ce qu’il avait prévu, et il n’arriverait jamais à en rassembler le montant. Qu’à cela ne tienne ! Ça lui changerait les idées d’être en prison !

Il était assez amer quand il réintégra sa chambre, plus tard dans la soirée. Il avait parfois rêvé qu’il se mettrait sur son trente et un, enfin, qu’il se rendrait au moins présentable, et qu’il irait téléphoner à Bruno, mais c’était la fin de ce projet chimérique. Il se mit soudain à haïr son ami d’antan. Ce dernier aurait pu le faire acquitter s’il l’avait voulu, en invoquant les circonstances atténuantes et tout le reste, mais Bruno n’avait pas fait de son mieux, bien au contraire. Pierre alla au tiroir et déchira le petit paquet de lettres qui y était enfoui depuis si longtemps. Bruno et lui s’étaient écrit durant plusieurs années après avoir quitté l’école.

 

Il se jeta sur son lit et donna libre cours à d’amères pensées. Il n’alluma pas la lumière et il faisait tout à fait sombre quand il entendit frapper à la porte.

 

« Si c’est la vieille fille pour le loyer, elle attendra bien trois jours de plus, marmonna-t-il sans y prêter attention. Mais, des coups plutôt timides, tout différents des toc, toc, toc impatients de sa propriétaire se firent encore entendre. Il se leva, fit de la lumière et ouvrit la porte.

Il y eut un long silence.

 

— Est-ce que je peux entrer, Pierrot ?, finit par dire Bruno.

— Comme tu veux, dit Pierre.

 

Il fixait du regard son ami. Bruno, sans cravate, avait l’air différent, juste un homme ordinaire dans un pull à col roulé ; plus large d’épaules certes et les cheveux un tantinet grisonnants, mais pas si différent que ça du jeune garçon éveillé qui l’avait aidé en maths.

 

— Fais comme chez toi, reprit Pierre.

— Merci, dit Bruno.

 

Il y eut un autre silence, que Bruno finit par rompre.

 

— Pierrot, tu te souviens de notre jardin ?

— Pour sûr ! Tu prends quelque chose ?

— Volontiers, merci.

Un nouveau silence, pendant lequel Pierre déboucha une bouteille. Il leur fut plus facile de parler en sirotant leurs boissons.

— Pierrot, tu as un boulot ?

— Un boulot ? Non ; mon prochain boulot sera d’être en taule ; comment t’imagines-tu que je vais payer cette amende ?

— Eh bien, c’est pour ça que je suis venu. L’amende est payée, Pierre…, et, je ne suis pas à la hauteur avec le jardin. Il est trop grand, et il est en friche. Tu étais de tout temps beaucoup plus doué en jardinage que moi, Pierrot. Tu te rappelles comment les limaces se jetaient sur mes laitues, et que je ne pouvais jamais savoir pourquoi ? Je me demandais à l’instant… Il y a un petit bungalow contigu à ma maison et tu pourrais faire de la culture maraîchère à grande échelle. Ce serait formidable d’être de nouveau ensemble. Est-ce que tu veux y réfléchir ?

— Comment sais-tu que je ne volerai pas la rivière de diamants de ta femme ?, répliqua Pierre, mais il eut un petit rire étouffé : il avait toujours aimé jardiner.

— Quand viendras-tu ?, demanda Bruno. Demain ?

— J’y réfléchirai. Merci beaucoup !

 

Il resta à la fenêtre à observer Bruno s’éloigner en voiture sous la pluie, mais ses pensées étaient déjà ailleurs. Il connaissait le jardin ; il avait souvent regardé par-dessus la haie, et avait imaginé ce qu’il aurait pu en faire. Il y avait là un flanc bien exposé au soleil, idéal pour des arbres fruitiers et un parterre abrité où il verrait bien des plants de fraisiers…

Il resta longtemps, très longtemps à cette fenêtre, le regard perdu dans le vide ; il ne voyait pas le halo irréel des lampadaires, ni les gouttes de pluie qui rebondissaient sur le pavé. Non, il était debout dans la lumière du soleil au début de l’automne, environné du parfum aigre-doux des chrysanthèmes… Il observait les papillons sur les marguerites tardives…

 

Dans cette histoire, le juge qui condamna, l’homme qui paya la dette et l’ami qui donna à Pierre un nouveau départ dans la vie, étaient tous une seule et même personne.

 

De la même manière, un jour, Dieu jugera et punira le péché ; et parce qu’il est un juste juge, aucun péché ne sera oublié. Le salaire du péché c’est la « mort éternelle », ce qui signifie être séparé de Dieu, et ce prix doit être payé.

 

Mais Dieu, le Juge, a laissé de côté sa toge et sa tunique de gloire, et est venu à nous en Jésus ; c’est lui qui a payé une fois pour toutes cette dette du péché quand il est mort à la croix.

 

A présent, Il vient à nous par le Saint-Esprit et nous demande de le recevoir dans notre cœur, et de commencer une nouvelle vie avec lui, dans le pardon et dans la joie.

Le juge sauveur

Robert Laidlaw raconte, dans l’un de ses livres, l’histoire de deux amis qui étudièrent ensemble à la même faculté de droit. L’un entra dans la magistrature et devint finalement juge, tandis que l’autre gâcha sa vie pour se retrouver un jour devant un tribunal présidé par son ancien ami !

Le jour de l’audience une question flottait sur toutes les lèvres : quel verdict le juge allait-il prononcer ?

A la surprise générale il imposa le maximum prévu par la loi. Mais dès qu’il eut prononcé son jugement il se leva, enleva sa robe de juge, descendit dans le tribunal pour embrasser son ancien ami, puis se tourna vers le greffier pour lui dire : « Consignez dans le procès-verbal que j’ai prononcé le jugement, mais que je serai moi-même redevable du paiement de toutes ses dettes et amendes. »

En un instant le juge était devenu son sauveur !

Dieu soit loué : Il a fait exactement la même chose !