« …Christ, mystère dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science. »
(Colossiens 2 :3)
« Et sans contredit, écrit l’apôtre Paul à Timothée (1 Tim. 3 :16), le mystère de la piété est grand : Celui qui a été manifesté en chair, justifié par l’Esprit, vu des anges, prêché aux Gentils, cru dans le monde, élevé dans la gloire. » Paul écrit ici sur le mystère de Dieu, or le pronom démonstratif « celui » est employé pour traduire le mot yeov « theos », nom grammatical qui est employé pour « Dieu ».
Les Ecritures identifient Jésus-Christ à Dieu. Mais cela suffit-il pour avoir une pleine intelligence de cette révélation ? L’apôtre parle d’un Mystère, et qui subsistera, tant que notre connaissance demeure imparfaite (1 Co 13 :9); les oeuvres de Dieu demeurent encore insondables (Job 5:9); nul homme ne saurait prétendre sonder les pensées de Dieu (Job 11:7) ou son intelligence (Es. 40:28).
« Mes pensées, dit l’Eternel, ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées. » (Es. 55:8, 9)
La Bible ne spécule pas sur la nature de la divinité, ni sur l’essence divine, ni sur la trinité. Et le ferait-elle, nos facultés humaines limitées auraient-elles davantage accès au mystère ?
Tout comme il nous est impossible de saisir avec notre intelligence l’éternité de Dieu, ou son ubiquité, de même nous ne pouvons saisir l’immensité de son amour, manifesté en Jésus-Christ.
Et pourtant, l’apôtre Paul soutient un combat de prières pour les Colossiens afin qu’ils soient enrichis d’une pleine intelligence pour connaître le mystère de Dieu, savoir Christ, mystère dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science. » (Col. 2 :2, 3)
Connaître le mystère de Dieu, c’est-à-dire Christ ! Tel est le vœu de l’apôtre. Ce n’est ni d’une démonstration, ni d’une compréhension de ce mystère dont nous avons besoin, mais d’une CONNAISSANCE de Christ, c’est-à-dire, au sens biblique de ce mot, d’une expérience, d’une communion, « allant jusqu’à la plénitude de Dieu » (Ep 3 : 19)
La révélation et son étude demeurent pour le croyant l’unique fondement de la foi. Toutefois, une explication accessible à la raison ne doit pas être rejetée a priori, puisque notre amour de Dieu doit affecter aussi « toutes nos pensées » (Mt 22 :37).
Mais, essayer par la spéculation théologique d’expliquer le mystère divin, c’est quitter le terrain de la foi. Aussi faut-il, au départ, réaffirmer la prééminence de la foi sur les échafaudages théologiques. Une démonstration rationnelle ne saurait remplacer l’expérience spirituelle qu’implique la foi.
Alors que la foi est une confiance totale en Dieu et en sa Révélation — et qui engage la totalité de l’être humain — la démonstration n’en affecte qu’une partie, son intellect.
Et cependant, certains mouvements religieux réduisent la foi à la science des choses divines, et pensent que ce savoir à lui seul conduit au salut. La foi biblique est bien plus que cela, et toute tentative d’explication théologique doit être abordée en ne lui assignant qu’un rôle adjuvant.
Le mystère de Dieu est lié avant tout à sa plénitude éternelle et à la place prééminente qu’occupe l’homme dans la création.
- La plénitude éternelle de Dieu
« Dieu est amour. Avant la création de l’univers, Il aimait. Et quel était l’objet de cette dilection sans commencement? Rien d’extérieur à Lui autrement Dieu serait dépendant de quelque chose qui n’est pas Lui. Il possédait donc en Lui-même l’objet de son amour, l’être qui réalise tout ce que Sa pensée conçoit de vrai, tout ce que son cœur aime de beau, tout ce que sa volonté médite de bon, l’être que l’on pourrait appeler son idéal – non un idéal tel qu’est d’ordinaire l’idéal humain, l’objet d’une puissante aspiration, une pure idée, — mais un idéal tel que doit être celui de Dieu, le reflet de sa perfection, aussi réel que Lui-même, son image dans le miroir éternel de l’Esprit, une personne vivante, éternelle comme Lui, le Fils de son amour, le mot de son essence, la Parole de sa pensée.[1]
Si Dieu est éternel, Il est actif de toute éternité. Cette activité suppose un objet approprié à Sa puissance. La puissance infinie de Dieu exige un objet infini L’objet de sa puissance ne saurait être le monde, car le monde serait alors éternel. A l’infini, il faut l’infini. Dieu est le seul objet digne de son activité.
Pourrait-on en effet concevoir l’amour et l’activité de Dieu être sans objet ? Seule la réunion de plusieurs personnes dans la divinité peut résoudre ce problème.
- La place de l’homme dans la création
Il est ensuite nécessaire de souligner la position prééminente de l’homme dans toute la création, sa perfectibilité absolue, puisqu’il a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il n’y a ainsi rien qui puisse écarter la possibilité pour Dieu de s’incarner dans cet homme qui est à son image. D’ailleurs l’Ange de l’Eternel — identifié à l’Eternel Lui-même n’a pas craint de s’incarner momentanément sous des traits humains.
Il faut ensuite mettre l’accent sur l’absolue liberté de Dieu. Il n’est pas comme la créature, dominé par une nature qui lui soit imposée du dehors et avec laquelle il doit incessamment compter. « Je suis celui que je suis » dit l’Eternel à Moïse (Ex 3:14), ce qui peut aussi se traduire par « Je serai celui que je serai », le temps du verbe étant celui de l’action imparfaite, inachevée, c’est-à-dire continue. Le sens en est: « Je serai celui qu’il me plaira d’être. »
En fait, il a plu à Dieu de se manifester plusieurs fois sous la forme de l’Ange de l’Eternel, puis dans le buisson ardent (Ex. 3:2), dans la colonne de nuée ou de feu à la sortie d’Egypte (Ex. 13:21, 22), dans la Shekina du tabernacle, puis du temple (Ex. 40:34, 35; Nb 9:15, 16; 1 Roi 8 :10, 11) et enfin dans un être humain, selon sa promesse (Es. 35:4; Zach. 2 :10).
Comprendrons-nous l’amour d’un Dieu qui vient à nous, se soumettre à toutes nos contingences matérielles ? Saisirons-nous cet amour d’un Dieu venu à nous pour nous enseigner et nous sauver ?
Car en venant sur terre, le Fils de Dieu a accepté de « donner sa vie comme la rançon de plusieurs » (Mt. 20:28), de « porter les péchés de beaucoup d’hommes. » (Es. 53:12)
Bien plus, Il a accepté, dans son corps, de s’identifier au pécheur ! « Celui qui n’a point connu le péché, Dieu l’a fait devenir péché pour nous » (2 Co 5:21). Et par cela même, « il a effacé l’acte rédigé contre nous…; il l’a supprimé, en le clouant à la croix » (Col 2:14, traduction Louis Second, nouvelle version 1962).
Mais le fardeau de nos péchés qu’il a pris sur Lui devait obligatoirement rompre un moment sa communion avec son Père. Le salaire du péché est en effet la mort (Rm. 6:23), cette séparation d’avec Dieu, d’où ce cri déchirant à la croix: « Eli, Eli, lama sabachthani » (Mt. 27:46).
Ce cri de détresse était celui de l’agneau de Dieu immolé sur qui l’Eternel a fait tomber l’iniquité de nous tous (Es 53 :6).
Et c’est dans cet abandon du Père, ce paroxysme de la Passion, que Jésus-Christ a vu l’accomplissement de sa mission, car Il dit, quelques instants après: « Tout est accompli. » (Jean 19 : 30)
Devant la grandeur de ce mystère, nous ne pouvons que nous incliner, et adorer, et demander à Dieu de nous faire « comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l’amour de Christ qui surpasse toute connaissance » (Ep 3 :18, 19)
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Note :
[1] Godet. Etudes Bibliques, Deuxième série, N.T., Fischbacher, Paris, 1884, p. 126.